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Donnie Darko ressort au cinéma: les secrets du film culte de Richard Kelly

Donnie Darko

Donnie Darko - © 2001 Pandora Inc. Tous droits réservés

Donnie Darko, film culte qui a révélé l’acteur Jake Gyllenhaal et le réalisateur Richard Kelly, ressort au cinéma le 24 juillet dans deux versions restaurées. L’occasion de revenir avec son auteur sur la genèse du film et sa carrière mouvementée.

Au panthéon des auteurs de films cultes, Richard Kelly occupe une place à part. Entre 2000 et 2009, ce fan de Stephen King et de David Lynch a signé trois des films les plus acclamés et les plus mystérieux des vingt dernières années: Donnie Darko (2001), Southland Tales (2006) et The Box (2009).

Sorti des radars depuis maintenant une décennie, il n’a pas quitté pour autant le cœur des amateurs de cinéma. Récit d’un adolescent tourmenté face à la fin imminente du monde, Donnie Darko reste l’un des films les plus recherchés sur Internet. L'oeuvre de Richard Kelly doit cette longévité à la force de son histoire, mélange de SF, de récit initiatique et de satire politique truffée de détails secrets que les fans s’échinent encore à débusquer. 

"Je sais que lorsque je fais ces films, je dois vivre avec eux pour le reste de ma vie", explique le réalisateur. "J’essaye donc de bâtir un ensemble suffisamment complexe qui puissent subir des visionnages répétés, que le film soit comme une maison que l’on ait envie de visiter régulièrement." 

La ressortie, en version restaurée (en versions cinéma et director’s cut), de Donnie Darko le 24 juillet le prouve, tant le film semble même avoir anticipé certaines de nos obsessions actuelles, comme notre nostalgie pour les années 1980: "Cela me fait plaisir que le film continue de bien vieillir", se réjouit Richard Kelly.

"Nous l’avons tourné en l’an 2000 au cours de l’été précédant l’élection présidentielle où George W. Bush a battu Al Gore. Un an après, il y a eu le 11-Septembre et le film est sorti dans la foulée. Donnie Darko a donc été conçu à un moment charnière de l’histoire américaine." Un moment charnière, ou une bulle temporelle semblable à l’univers alternatif où se déroule une partie du film: 

"Le tournage a duré 28 jours, soit le temps exact que passe Donnie dans l’univers tangent. C’est un hasard, car c’est tout ce que le budget nous permettait", poursuit Kelly. "Nous avions l’impression pendant le tournage de vivre dans une bulle. On essayait de respecter le planning et on travaillait douze heures par jour. C’était mon premier film et c’était à la fois très intense et très épuisant. Nous étions vraiment dans le même état d’esprit que le personnage. C’était très étrange."

Une genèse mouvementée

L’histoire de la création de Donnie Darko l’est tout autant - et permet un peu de comprendre son statut de film culte. Conçu par Richard Kelly alors qu’il n’avait que 25 ans, le film doit son existence à une série de rencontres providentielles. La première a lieu avec Jason Schwartzman. Tout juste auréolé du succès de Rushmore de Wes Anderson, le comédien rêve de jouer Donnie. Richard Kelly rencontre Drew Barrymore, qui accepte le projet et permet au jeune cinéaste de débloquer un budget de 4,5 millions de dollars.

Jake Gyllenhaal et Richard Kelly
Jake Gyllenhaal et Richard Kelly © © 2001 Pandora Inc. Tous droits réservés

Par l’intermédiaire de Jason Schwartzman, Richard Kelly rencontre son oncle, Francis Ford Coppola, avec qui il discute du scénario. Un problème d’emploi du temps contraint cependant Jason Schwartzman à renoncer au projet. Il est remplacé par Jake Gyllenhaal, qui est rapidement rejoint par un casting composé de stars comme Patrick Swayze et de jeunes pousses comme Seth Rogen, sa sœur Maggie Gyllenhaal et Jena Malone.

Présenté au festival de Sundance début 2001, Donnie Darko peine à séduire. C’est grâce à Christopher Nolan, venu présenter Memento, que le film de Richard Kelly parvient à décrocher un distributeur. La diffusion en salles est cependant douloureuse: sorti deux mois après l’attentat du World Trade Center, Donnie Darko est un échec commercial: personne ne veut se déplacer pour voir un film où un réacteur d’avion s’écrase sur une maison. Six mois plus tard, grâce aux DVD, Donnie Darko s’impose pourtant comme un film culte sur les campus américains. 

Une bande originale culte

Ce qui fascine, alors, est l’obsession de Richard Kelly pour la fin du monde ("C’est la grande question de notre existence: notre planète va-t-elle se détruire avant nous?", dit-il). Mais aussi l’atmosphère inquiétante et onirique du film - symbolisée par Frank, l’ami imaginaire de Donnie qui ressemble à un croisement entre un lapin et Chewbacca.

Cette atmosphère doit également une partie de son succès à la bande originale composée de tubes des années 1980 comme Head Over Heels de Tears for Fears, utilisé lors d’une des plus célèbres scènes du film: l’arrivée de Donnie dans son lycée. "Tout a été chorégraphié, comme dans une comédie musicale", explique Richard Kelly. "La chanson avait été choisie dès l’écriture du scénario pour donner l’impression au public que Donnie entre dans un autre monde, dans un univers dangereux et troublant - celui du lycée.

Une autre chanson, utilisée dans une des scènes finales, a profondément marqué les esprits: la reprise, par Gary Jules, de Mad World, le tube synthpop de Tears for Fears. L’idée vient de Michael Andrews, le compositeur du film: "Comme l’originale de Tears for Fears a un rythme assez rapide, il a eu l’idée avec son ami Gary Jules d’en faire une version plus lente, une balade. Quand je l’ai entendu, j’ai aussitôt compris que c’était le morceau parfait pour la fin du film", se souvient le réalisateur. Il a eu raison d’écouter son instinct. Après le succès de Donnie Darko en DVD en 2002, le reprise de Gary Jules est devenue numéro 1 des charts en 2003 en Grande-Bretagne. 

Plus de quinze ans après, Donnie Darko n'a pas livré tous ses secrets, révèle Richard Kelly: "Il doit y avoir trois ou quatre détails cachés dans ce film que personne n’a jamais trouvés. Le film est ouvert à l’interprétation. Il y a des questions sans réponses qui resteront toujours ouvertes à la lecture des spectateurs. Même si quelqu’un a une théorie sur le film que je n’approuve pas, je ne veux pas lui dire qu’il a tort. Je veux que les spectateurs puissent avoir leur propre interprétation." 

Bientôt des versions longues de ses autres films?

Après le succès de Donnie Darko, Richard Kelly ressort en 2004 une version director’s cut offrant une autre vision de son œuvre. Il travaille en parallèle deux ans avec Tony Scott, une de ses idoles, sur Domino (2005). Puis il prépare Southland Tales (2006), ambitieuse satire politique des années Bush détruite par la critique à Cannes, puis charcutée en salle de montage. Malgré un casting de stars (Justin Timberlake, Dwayne Johnson, Sarah Michelle Gellar et Scott Williams Scott), c’est un nouvel échec au box office. Richard Kelly espère sortir dans les prochaines années une version complète de Southland Tales restaurée en 4K. 

"Nous y travaillons", assure-t-il. "Il y a beaucoup de rendez-vous en ce moment. J’en ai un très important ce lundi." Deux studios, Universal et Sony, sont impliqués dans les tractations et rendent difficiles ces démarches. “C’est une question de budget et tout dépend de ce que Dwayne Johnson veut faire. Nous n’avons pas encore de réponse définitive. Je suis optimiste, mais il n’y a rien d’officiel pour l’instant."

Épuisé par Southland Tales, Richard Kelly réalise en 2009 The Box, l’adaptation d’une nouvelle de Richard Matheson (Je suis une légende) où un couple se voit offrir la possibilité d’appuyer sur un bouton en échange d’un million de dollars. Le hic: appuyer sur le bouton provoque la mort de quelqu'un dans le monde…

Plus resserré et moins complexe d’un point de vue narratif, The Box est pour Richard Kelly une tentative "de faire un film plus linéaire pour séduire un public plus large." Malgré la présence de Cameron Diaz, c’est un nouvel échec. Et le réalisateur espère aussi en proposer une nouvelle version restaurée: "Il doit exister entre 30 et 40 minutes de scènes coupées. On a de quoi faire une version allongée de The Box."

"Ces dernières années ont été difficiles"

Depuis The Box, il a passé une décennie à écrire de multiples scénarios. La mise en scène commence à lui manquer: "Oui, ça me manque énormément. Écrire pendant aussi longtemps a été très difficile. Je n’avais pas prévu que cela dure aussi longtemps. J’ai tellement de projets prévus que ma stabilité économique et professionnelle seront protégées pendant de longues années. [Ces dernières années] ont été difficiles, mais ces divers projets sont très excitants et j’espère pouvoir les réaliser très prochainement." 

Donnie Darko
Donnie Darko © © 2001 Pandora Inc. Tous droits réservés - Jake Gyllenhaal et Richard Kelly

Chacun sera unique, promet-il. En attendant de retourner sur un plateau, comme fait-il pour ne pas se rouiller? "J’utilise mon iPhone!", dit-il en riant. "Je prends beaucoup de photos. Des centaines et des centaines. Je fais aussi beaucoup de collages. Beaucoup de ces photos et de ces collages accompagnent mes scénarios. C’est comme si j’assemblais une BD pour accompagner mes scénarios."

En attendant de découvrir un nouveau film de Richard Kelly, le réalisateur se dit heureux de ses trois films qui continuent de susciter l’interrogation des spectateurs. Mais il ne puisse s’empêcher d’émettre un petit regret: "J’aurais aimé que ces films aient du succès d’une manière plus immédiate dans les salles de cinéma. Je suis content qu’ils en aient eu des années plus tard, qu’ils soient devenus cultes, qu’ils aient des fans très actifs. C’est gratifiant. Ça m’inspire à continuer d’essayer de monter mes propres films."

Jérôme Lachasse