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Cinéma

De Jet Set à All inclusive, retour sur la carrière de Fabien Onteniente, roi de la comédie populaire

All Inclusive de Fabien Onteniente

All Inclusive de Fabien Onteniente - Copyright Daniel Angeli / Bestimage / Warner Bros

Fabien Onteniente est devenu en l’espace d’une vingtaine d’années un des rois du box-office français avec 19,6 millions d'entrées récoltés en onze films. Portrait.

"Je bande quand j’entends une salle rire." Heureux réalisateur de Jet set, 3 zéros, Camping et maintenant All Inclusive, Fabien Onteniente est devenu en l’espace d’une vingtaine d’années un des rois du box-office français avec 19,6 millions d'entrées récoltés en onze films. Rien, pourtant, ne le prédestinait à faire du cinéma.

Né en 1958, il connaît les débuts difficiles de celui qui n’a pas grandi dans le sérail. Tour à tour étudiant en optique, secrétaire adjoint de la Société des auteurs compositeurs de musique et scénariste de courts-métrages, Onteniente sort en 1991 un premier long-métrage, À la vitesse d’un cheval au galop, co-écrit par Thomas Gilou (La Vérité si je mens) et produit par Smaïn.

Malgré l’échec rencontré par le film, il persiste et signe en 1994 avec Tom est tout seul, curieuse histoire d’amour où Jean Rochefort apparaît en gourou des lavomatics. Si ni Tom est tout seul ni Grève Party en 1997 ne trouvent leur public, le succès frappe enfin à sa porte en 2000 avec Jet Set, comédie sur la vie mondaine parisienne avec Lambert Wilson, Samuel Le Bihan et Bruno Solo, qui séduit 1.912.895 spectateurs.

En 2002, le succès se poursuit avec 3 zéros, consacré aux magouilles financières du football (1.271.238 spectateurs). Co-écrit avec le scénariste des Ripoux, le film est à la fois un hommage à son père avec qui allait voir des matchs au stade de Colombes, mais aussi aux nobles voyous de Michel Audiard. Un cinéma qu’il aime depuis toujours.

"Élevé avec Charlie Hebdo"

Comme aime le raconter Fabien Onteniente, sa vie a basculé un jour de 1972, lorsque Michel Audiard débarque avec la fine fleur de la comédie française (Bernard Blier, Annie Girardot, Jean Carmet…) pour tourner non loin de chez lui Elle cause plus… elle flingue. Fasciné par "ces types qui ne se prenaient pas trop au sérieux" et la "légèreté insouciante" qui régnait sur le tournage, le jeune Fabien sèche les cours, comme il le raconte dans les colonnes de Libération.

Affiches de Turf, Camping 3 et All Inclusive
Affiches de Turf, Camping 3 et All Inclusive © Pathé / Warner Bros.

Cette "vraie camaraderie" découverte ce jour-là sera le fil rouge de sa filmographie, de Grève Party à All inclusive en passant par Camping et Turf. "Élevé avec Charlie Hebdo" et "leur formidable sens de l'humour, de la dérision et leur irrévérence", comme il l'explique en 2015 dans Le Parisien, cet admirateur de la comédie italienne des années 1960 s’inscrit dans la lignée de cet humour de gauche qui refuse toute censure et tout politiquement correct. Cet humour, insiste-t-il dans le même quotidien en 2016, vient également de son enfance à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne):

"Tout était simple. On était tous mélangés, quelles que soient nos origines. On pouvait encore se vanner là-dessus, rire de nos différences entre Espagnols, Portugais, Arabes, sans que ça choque personne. J’aime cet esprit qui a pour moi le parfum de la banlieue."

Après des années en région parisienne, Onteniente vit désormais une partie de l’année au pays Basque. Loin du milieu du cinéma, il peut ainsi retrouver ce "parfum". "J’adore aller chercher mes journaux le matin et discuter sur les marchés. Je côtoie des gens différents, mes amis ne font pas partie du show-biz. Ce qui me permet d’être au courant de ce qui fait rire les gens", explique-t-il à Paris Match en août 2018. "J’observe aussi beaucoup. Il faut rester au contact de la vie. Les priorités en province ne sont pas celles de Paris."

"Je remarque toujours le petit détail qui fait marrer"

Ses films naissent de ce travail d’observation. Pour All Inclusive, comédie sur un club de vacances en Guadeloupe, il est ainsi parti "en repérage à Playa del Carmen, au Mexique, pour 900 euros". Une fois sur place, son radar s’allume: "Je vois pas les situations normales, le quotidien sans le prisme de la comédie. Je remarque toujours le petit détail qui fait marrer", indique-t-il à Première.

All Inclusive de Fabien Onteniente
All Inclusive de Fabien Onteniente © Copyright Daniel Angeli / Bestimage / Warner Bros

Sur RTL, Onteniente voit dans sa difficulté "à parler de choses profondes de manière crue" "un peu de pudeur" mêlée à une forme de pathologie: "Même mes proches s'inquiètent car je n'arrive pas à prendre les choses graves avec un autre prisme que celui du rire et de la comédie."

Un trait que partagent ses personnages d’hurluberlus aux idées fixes souvent incarnés par Franck Dubosc, de Patrick Chirac (Camping) à Didier Travolta (Disco) en passant par Jean-Paul Cisse (All Inclusive). "J’aime à dire qu’on est les Souchon - Voulzy de la connerie", s'amuse Onteniente dans Le Journal de Saône-et-Loire.

"J'aime montrer les failles, les cassures"

Cette lecture reste cryptée pour beaucoup de spectateurs, déplore-t-il dans les colonnes de Corse Matin en 2010: "Il n'y a que les gens qui me connaissent bien qui savent le lire. L’humain est ambivalent. 'Le sombre est le séjour secret du clair', disait Heidegger. Et dans mes films, j'aime montrer les failles, les cassures et titiller le côté sombre de chacun." Interrogé par le média suisse 24 temps sur son apport à la comédie, il répond sans hésitation:

"C’est la mélancolie, un domaine où je me sens tellement plus à l’aise que dans le rire. J’ai toujours considéré la vie qui m’entourait avec ce sentiment de spleen, de temps perdu qui passe."

Le personnage incarné par Josiane Balasko, une retraitée en mal d'amour qui court les vacances en club pour éviter la maison de retraite, symbolise bien la mélancolie dissimulée dans les films d'Onteniente. Lui-même n’hésite pas à évoquer ses failles lors des interviews et les films qu'ils jugent moins réussis. En 2002, après les succès de Jet Set et de 3 zéros, Onteniente commet Jet Set 2. Un nouveau flop pour le réalisateur qui a avoué en 2013 dans Technikart:

"C’est le seul de mes films que j’ai fait pour de mauvaises raisons, c’est-à-dire pour l’argent. Là, j’ai fait ma pute, et on me l’a envoyé à la gueule. Le public, le milieu, tout le monde. Du coup, ça me fait marrer quand on me traite de cynique. La seule fois où je l’ai été, je l’ai payé comme personne."

José Garcia dans Jet Set 2 - People
José Garcia dans Jet Set 2 - People © M6

"C’est super sophistiqué la manière dont je bosse!"

L'échec de Jet set 2 marque une charnière dans sa carrière. Après l'avoir testée sur 3 zéros, le réalisateur commence en effet à perfectionner sa "méthode dessinée", qui consiste à réaliser "un dessin témoin pour chaque scène" et contribuera au succès de Camping. "Moi, on m’a mis dans cette catégorie de films bankables, mais il ne faut pas oublier que ce sont des films d’auteur: je les pense, je les dessine, je les écris. Je n’ai pas une machine qui pond des scénarios tout prêts", dit-il dans Technikart, avant d’ajouter:

"C’est super sophistiqué la manière dont je bosse! C’est dix fois plus travaillé qu’on le pense […] Tout le monde m’imagine comme un gros lourd mais moi, je sais que mes films sont fins, qu’ils vont puiser leur essence au cœur de la comédie italienne."

Onteniente a d'ailleurs toujours réfléchi à la forme de ses films. Son premier, A la vitesse d’un cheval au galop, escapade de retraités au mont St Michel, dure 1h30, soit... le temps du trajet Paris-Normandie en voiture. L’échec public de Turf (382.351 entrées en 2013) est d’autant plus incompréhensible pour le cinéaste qu’il soigne de plus en le style de ses films, s’associant pour l’occasion à Roberto de Angelis, opérateur steadicam chez Michael Mann et sur Avatar.

La méthode d’Onteniente n’est pas du goût de tout le monde. Et le cinéaste s'en moque, poursuivant son bonhomme de chemin de roi de la comédie populaire. "Je ne souffre en aucun cas d'un manque quelconque de reconnaissance", assure-t-il dans Corse Matin. Il a d’ailleurs plusieurs projets sur le feu, dont une suite de 3 Zéros, un film avec Jean-Paul Belmondo et un remake de Quo vado?, une comédie à succès italienne, dont le tournage doit commencer en avril.

Jérôme Lachasse