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De Chacun cherche son chat à Deux Moi, Zinedine Soualem, l’acteur fétiche de Klapisch, se raconte

À l’affiche de tous les films de Klapisch, Zinedine Soualem raconte sa relation avec le réalisateur des Poupées Russes et revient sur ses films, comme La Haine, JCVD, Mission Cléopâtre ou encore Bienvenue chez les Ch’tis.

Acteur dans une cinquantaine de films comme La Haine, Mission Cléopâtre ou Bienvenue chez les Ch’tis, Zinedine Soualem est un des seconds rôles les plus connus du cinéma français. Comédien fétiche de Cédric Klapisch, il a fait rire des millions de Français avec ses rôles dans Chacun cherche son chat ou Les Poupées russes.

Dans Deux moi, le nouveau film de son vieux compère, il incarne le pharmacien chez qui les personnages d’Ana Girardot et François Civil vont se fournir en antidépresseurs. Rencontré par BFMTV, Zinedine Soualem revient sur sa carrière - en attendant le prochain Klapisch: "Avec Cédric, je me dis: 'un de plus, vivement le prochain'."

Vous avez commencé votre carrière en étant mime. À quel point cela vous a-t-il aidé pour vous imposer à l’écran?

Je n’en étais pas conscient au début. J’ai fait du mime pendant presque quinze ans. Pendant sept ans, je n’ai vécu que de ça, en en faisant dans la rue à Paris. Avant, j’étais à Clermont-Ferrand, je faisais Avignon tous les ans. On m’a souvent dit que c’était un plus à cause de la précision de mes gestes. Quand je suis sur un plateau de tournage, je suis toujours conscient de mon corps dans l’espace, je sais toujours ce que je fais. Tout est utile pour exprimer un sentiment. Tout est signe.

Et le public vous repère, même si vous jouez monsieur Tout-le-monde. 

Si on me repère, tant mieux. Peut-être qu’il y a des choses qui m’échappent, aussi. Quand j’ai commencé, je travaillais [sur des films] un jour, deux jours et on me repérait. Il y a des choses inexplicables. Il y a des gens qui passent dans la rue que l’on le regarde et d’autres non. Peut-être que je fais partie des gens que l’on regarde. Quand je vais sur un plateau et que je n’ai qu’une journée, je ne me dis pas que c’est un petit truc. Si je suis là, je joue. Mon personnage existe, je fais tout pour qu’il existe et si on est touché, c’est bien. 

Au cinéma, votre carrière commence avec Costa-Gavras dans Hanna K...

C’est mon deuxième film. Avant, j’avais joué dans La Bête Noire en 81. J’étais extrêmement content. Quand je suis arrivé à Paris, je me suis inscrit dans un cour de théâtre. Margot Capelier, qui était la grande directrice de casting de l’époque, m’avait vu dans un concours de fin d’année du cours Viriot où j’ai passé un an. Elle m’avait fait venir dans son bureau et j’ai passé quelques jours à Bari dans le sud de l’Italie avec Costa-Gavras pour Hanna K. Je jouais un sergent. Ils cherchaient un comédien d’origine maghrébine parce qu’il fallait parler un peu anglais et arabe. Je ne parle pas tellement mieux arabe mais j’ai été coaché et je n’avais que quelques phrases. 

Après vous travaillez au théâtre avec Patrice Chéreau et Ariane Mnouchkine?

Il y a eu un petit peu de cinéma puis du théâtre. Chéreau, c’était extraordinaire. Je suis à Paris depuis un an, je travaille avec Costa-Gavras, puis je me retrouve six mois au théâtre avec Maria Casarès, Patrice Chéreau et Dominique Blanc [pour Les Paravents de Jean Genet, NDLR]. Puis je suis rentré au Théâtre du Soleil début 85 après deux ou trois stages en 1984. J’y suis resté jusqu’en 91. C’était à temps plein. On n’avait pas le temps de faire autre chose. 

Qu’avez-vous appris en travaillant avec ces grands noms du théâtre?

Une chose: ne plus me laisser impressionner par personne. Chéreau comme Mnouchkine sont des personnages qui peuvent un peu impressionner. Après avoir travaillé avec eux, à chaque casting que je faisais - et j’en faisais beaucoup à l’époque -, je me disais que si je n’étais pas pris, ce n’était pas parce que j’avais été mauvais, mais parce que je ne correspondait pas au rôle. Et je continue à ne me laisser impressionner par personne. 

Vous faites encore des castings? 

C’est rare. Quand c’est des réalisateurs étrangers qui ne me connaissent pas, oui. Et quand on me demande de passer un casting pour quelque chose que je n’ai jamais fait, je veux bien. Sinon, il y a de quoi piocher dans ce que j’ai fait.

Comment avez-vous rencontré Klapisch?

C’était en 89. J’étais encore au Théâtre du Soleil. Une amie était scripte sur son dernier court-métrage, Ce qui me meut, qui a donné son nom à sa boîte de production. On m’appelle pour faire une figuration pas payée. J’accepte. On s’est super bien entendu dès la première fois. Puis il a tourné son premier long-métrage. Il a fait passer des castings. J’ai participé à quelques séances de travail. Le tournage s’est très bien passé puisqu’à l’origine je n’avais que quatre ou cinq jours de tournage et chaque fois que je venais lui dire au revoir, il me rajoutait des scènes. J’ai fini avec une quinzaine de jours. Le jour de la fête de fin de tournage, on était devenu bien copain et je lui ai dit: 'Tu sais ce qui serait bien? que je sois dans tous tes films!' Il m’a regardé et m’a dit: 'ok!' C’était en 91 et presque trente ans après on est toujours là. 

Dans les années 1990, vous apparaissez dans plusieurs films devenus cultes, comme Les Apprentis, Les Randonneurs ou encore La Haine.

J’ai eu la chance d’être dans cette nouvelle Nouvelle Vague des années 1990, avec Philippe Harel, Pierre Salvadori, Klapisch, Laurence Ferreira Barbosa… Dans La Haine, je joue un policier un peu psychopathe, un peu raciste malgré ses origines. À l’origine, ce n’est pas le rôle que m’avait proposé Mathieu Kassovitz. Il m’avait proposé un autre policier. Finalement, au dernier moment, il l’a donné à un autre. Ça m’avait un peu surpris et il m’a donné celui [du policier raciste]. Il était écrit pour un autre acteur, ce qui fait que le texte a été plus ou moins improvisé, parce que le texte écrit ne me correspondait pas. 

En 1996 sort Chacun cherche son chat de Klapisch. Est-ce un de vos rôles préférés? 

Oui. C’est à partir de ce moment-là que les gens ont commencé à me proposer des choses. Avant, c’était moi qui demandait. J’ai beaucoup aimé ce rôle-là, parce que c’était un rôle difficile. On a réussi à ne pas caricaturer un débile - à éviter le mec qui bave. C’est un peu ce que j’ai fait dans Ah si j’étais riche où je joue un bègue. J’ai tellement vu de bègues mal joués que j’avais, je crois, bien trouvé comment l’interpréter.

Comment on joue un bon bègue?

Je peux vous dire comment on joue un mauvais bègue: 'Je voulais te dire que que je suis très con con content de…' Ce n’est pas ça. Le bégaiement, c’est une souffrance. C’est comme ça que je l’ai pris. À chaque fois que l’on est avec un bègue, même son visage se déforme. Je n’avais pas pris ça pour un gag. C’est un peu le même travail que j’avais fait pour Chacun cherche son chat sauf que lui n’a pas de contrôle là-dessus.

Vous préparez beaucoup vos rôles?

Oui et non. Je ne travaille pas à l’américaine où je vais passer trois mois dans un centre pour handicapés mentaux, mais je réfléchis tout le temps pour que ce soit juste et crédible - autrement ce n’est pas intéressant. 

Vous avez joué dans deux films d’Alain Chabat: Didier et Mission Cléopâtre.

Didier, c’est un beau souvenir, parce que j’étais avec Lionel Abelanski [autre spécialiste des seconds rôles, NDLR], que j’ai souvent retrouvé dans des films. Il y avait aussi Jean-Pierre Bacri que je venais de rencontrer dans Un air de famille de Klapisch. J’ai passé plusieurs semaines assez extraordinaires. Alain Chabat est quelqu’un de précis, mais aussi de très ouvert. Je ne l’ai jamais vu se mettre en colère, ni être impatient. Il arrive à avoir ce qu’il veut dans la bonne humeur plutôt que dans la tension - un peu comme Cédric Klapisch. Dans Mission Cléopâtre, j’étais le carreleur, Feudartificis. Ce n’était pas une grosse participation, mais je crois qu’elle a marqué, parce que l’on m’en reparle souvent, même pratiquement vingt ans après. On me parle aussi beaucoup de La Maison du bonheur de Dany Boon. Les "yeux salaces" ont beaucoup marqué…

JCVD est aussi un film marquant. Vous y jouez un méchant…

C’était assez intéressant. J’ai un look particulier. Avec le réalisateur [Mabrouk El Mechri], on avait envie de rendre hommage à John Cazale, la star avec Al Pacino d’Un après-midi de chien. J’ai un look un peu années 70 avec un petit blouson serré, un pantalon pattes d’eph’. Je m’étais rasé complètement la tête pour avoir des cheveux raides. C’est la première fois de ma vie que j’avais des cheveux qui me caressaient le visage - ce qui était une sensation assez étrange. J’en ai profité pendant deux mois. Je n’ai jamais été cantonné dans un genre de rôle, mais ce rôle-là m’a vraiment beaucoup plu. Le seul regret que j’ai, c’est que c‘est un film qui n’a pas été énormément vu. Il y a un autre rôle que j’aime beaucoup, celui de Jean de Dieu Théogène, le président de Haïti, dans Moloch Tropical de Raoul Peck. 

Vous préparez un film, Moi l’auvergnat, qui est inspiré par votre vie?

Je travaille dessus depuis plusieurs années. J’ai retravaillé le scénario avec Santiago [Amigorena, le coscénariste des films de Klapisch, NDLR]. On a donné une version finale. On attend des réponses. C’est un film qui parle d’identité, d’origine, de regard de l’autre. Je veux le réaliser. Je m’étais écrit le rôle principal, mais j’ai été obligé de renoncer parce que les producteurs me disent que c’est un petit peu compliqué de jouer et réaliser. Je l’ai proposé à Medi Sadoun qui a accepté et aime beaucoup le scénario. Le personnage principal est avocat, ce n’est pas du tout l’histoire de ma vie. C’est un avocat assez brillant rabaissé à sa condition d’immigré qu’il n’est pas. L’immigré, ce n’est pas lui, mais son père. Mon ambition est de faire rire avec un sujet qui me touche et qui pour moi est essentiel. 
Jérôme Lachasse