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Cinéma

Dans les coulisses des Enfants de la mer, le 2001, l’Odyssée de l’espace du cinéma japonais

Les Enfants de la mer

Les Enfants de la mer - Eurozoom

Présenté lors du dernier festival d’Annecy, Les Enfants de la mer est la nouvelle pépite du cinéma japonais. Plongée dans les coulisses d’un film aussi psychédélique que 2001 l’Odyssée de l’espace.

"Les humains ne peuvent voir qu’une partie de ce qui existe." Cette réplique résume bien l’ambition des Enfants de la mer d’Ayumu Watanabe, envoûtante transposition d’un manga réputé inadaptable de Daisuke Igarashi qui sort ce mercredi 10 juillet grâce au distributeur Eurozoom (Les Enfants Loups, Your Name.).

Plus intimiste que l’œuvre originale, le film suit Ruka, une lycéenne qui rencontre dans l’aquarium où travaille son père Umi, un jeune garçon doté du pouvoir de communiquer avec les animaux marins. Rapidement des événements surnaturels se produisent…

Présenté lors du dernier festival d’Annecy, ce film du Studio 4°C mis en musique par Joe Hisaishi, le compositeur attitré de Hayao Miyazaki et Takeshi Kitano, propose un spectacle inédit et des images d’une beauté saisissante.

Grâce à un habile système mêlant 2D et 3D, spectateurs et spectatrices sont plongés dans un monde aquatique merveilleux dans un final aussi psychédélique que celui de 2001, l’Odyssée de l’espace. La demi-heure des Enfants de la mer, comme le chef d'œuvre de Stanley Kubrick, est un long trip visuel qui donne à voir des choses jamais vues en animation.

Outre l’exploit de résumer en deux heures un manga aussi foisonnant que Les Enfants de la mer, l’adaptation réussit à reproduire le style si reconnaissable de Daisuke Igarashi:

"Comment reproduire le trait de l’œuvre originale a été l’un de nos principaux questionnements au moment de commencer le film. Cela a été très difficile. Tous les animateurs et dessinateurs ont redoublé d’efforts pour arriver au résultat que vous voyez dans le film", souligne Ayumu Watanabe.

Accompagné de Kotaro Hirano, son responsable des images de synthèse, et de la coloriste Miyuki Fujita, le cinéaste raconte les coulisses des Enfants de la mer.

L’aquarium
Les Enfants de la mer
Les Enfants de la mer © Eurozoom

Miyuki Fujita: "Cette scène illustre la visite de Ruka quand elle est petite à l’aquarium. Ces animaux, ainsi que leur taille, ne sont peut-être que le regard porté par la petite fille sur ce qui se trouve alors devant elle. Ce n’est pas forcément réel, mais c’est ainsi qu'elle ressent la présence des poissons. Pour colorier cette scène, qui résume bien l’ambiance du film, je me suis appuyée sur mon imagination, sur ce que j’avais ressenti quand j’étais petite et que j’allais visiter des aquariums."
Kotaro Hirano: "Au sein de la section 3D, nous avons travaillé sur ces points jaunes que vous distinguez sur l’image. C’est entièrement de la 3D! On voulait leur donner un côté mystérieux et étincelant pour faire ressortir le côté mystique de Ruka. On ne voulait pas que ça ressemble à de l’image de synthèse. On a voulu lui donner une touche de dessin à la main."
Ayumu Watanabe: "On a travaillé avec le manga entre les mains. Cette image ressemble vraiment au manga. On s’était fixé un point à atteindre dans la réalisation pour être le plus respectueux de l’univers du manga. Chaque membre de l’équipe feuilletait régulièrement les pages du manga avant de s’occuper de son travail d’animation."

Un film immersif
Les Enfants de la mer
Les Enfants de la mer © Eurozoom

Ayumu Watanabe: "C’est une scène très immersive, dans laquelle le spectateur ou la spectatrice a l’impression d’être dans la peau de Ruka. Je voulais qu’ils se sentent obligés de la suivre dans son aventure."
Miyuki Fujita: "Cette scène, à mes yeux, fut une des plus difficiles à réussir tant sur le plan du dessin que sur celui de la réalisation. Il faut savoir que c’est un seul dessin - aucun des éléments présents dans la scène n’a été ajouté. Au début, tout est dessiné avec un seul crayon noir, de la surface de la mer aux poissons. Quand on est passé à la couleur, la grande difficulté a été de choisir les endroits auxquels apporter des couleurs - et lesquelles couleurs choisir. Comme l’eau est en mouvement dans cette scène, on ne pouvait pas convenablement se contenter de tout dessiner de la même manière. La surface de la mer ne pouvait pas être d’une couleur unique. Afin de représenter le mouvement, on a choisi de faire des ombres, de mettre différentes couleurs à certains endroits."

50 nuances de bleu
Les Enfants de la mer
Les Enfants de la mer © Eurozoom

Miyuki Fujita: "Il y a tellement de mers différentes dans le film qu’il fallait trouver des couleurs différentes. J’ai fait très attention pour changer la couleur de la mer selon les endroits et les horaires de la journée. Le couleur bleue occupe évidemment une place très importante dans le film et elle possède des nuances très riches, mais je me demande si le rouge n’est finalement pas la couleur du film à laquelle le public doit le plus s’attacher. Si vous regardez avec précision Les Enfants de la mer, vous remarquerez que le rouge apparaît à plusieurs reprises dans le film et dans plusieurs scènes très importantes. C’est la couleur de la vie, du sang pour signifier la naissance, un des thèmes principaux du film."

Un voyage aquatique psychédélique
Les Enfants de la mer
Les Enfants de la mer © Eurozoom

Ayumu Watanabe: "C’est un dessin qui se trouve dans le manga. On a voulu s’approcher au plus près de l’œuvre originale. Dans l’œuvre originale, Igarashi a réalisé son dessin point par point. C’est quelque chose que je voulais retranscrire à l’écran. J’avais envie de réaliser quelque chose qui au premier coup d’œil serait beau. Une des thématiques de cette image, c’est la présence d’une réalité au-delà de notre réalité. J’ai essayé de montrer ce que dissimule notre imagination, des choses qui n’existent pas. Au Japon, les spectateurs ont eu peur en découvrant cette image!"

La collaboration avec Joe Hisaishi

Ayumu Watanabe: "Lors de notre première rencontre, Joe Hisaishi avait déjà lu le manga et parcouru les storyboards du film. Il m’a dit qu’il avait déjà en tête la partition et que son style de musique minimal collerait bien à l’œuvre à laquelle je pensais. Sa façon de travailler a été d’employer peu de sons différents et de choisir de ne pas mettre de la musique à certains moments pour créer des espaces blancs et ainsi renforcer les sons qui pourraient intervenir par la suite. Comme j’avais en tête cette utilisation de la musique, on a été sur la même longueur d’onde."

Jérôme Lachasse