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Dans les coulisses de La Vérité si je mens! avec Gérard Bitton et Michel Munz

La Vérité si je mens, le casting de 1997

La Vérité si je mens, le casting de 1997 - UGC Distribution

Un quatrième volet de La Vérité si je mens!, consacré à la jeunesse de Patrick, Dov, Serge et Yvan, sort au cinéma. Gérard Bitton et Michel Munz, les créateurs de la série, en racontent les coulisses et se souviennent de la trilogie culte des années 1990-2000.

La Vérité si je mens revient dans les salles obscures et plonge dans les années 1980. Les scénaristes Gérard Bitton et Michel Munz, créateurs de la série à succès (plus de 15 millions d’entrées en France), réalisent ce quatrième volet consacré à la jeunesse de Patrick, Dov, Serge et Yvan.

Se passant des vedettes de la trilogie originale à l’exception de Gilbert Melki, revenu interpréter le père de son personnage, le duo a confié les rôles principaux à des comédiens encore peu connus. Le résultat est bluffant, tant le quatuor a réussi à retrouver les voix et le rythme des acteurs d’origine.

"On nous a demandé si on ne les avait pas fait doubler", s’amuse Michel Munz. "Au casting, on était content, parce qu’on avait les personnages. Pour la voix, c’est seulement au milieu du tournage que je me suis rendu compte à quel point c’était saisissant."

Avec son complice Gérard Bitton, Michel Munz raconte à BFMTV les coulisses de La Vérité si je mens, ainsi que la genèse des répliques cultes de la saga.

A quel point les dialogues de La Vérité si je mens sont-ils improvisés? 

Michel Munz: "C'est la porte ouverte à toutes les fenêtres", par exemple, pour citer une des répliques les plus célèbres de La Vérité, n’est pas de nous. Je ne sais pas de qui est cette réplique. Elle a été apportée par Gad, mais nous avons su qu’elle n’était pas de lui… C’est très compliqué, parce qu’ensuite vous pouvez être accusé de plagiat… On revendique nos textes parce qu’il y a peu d’improvisation. Mais il y en a eu quelques-unes. Elie Kakou a apporté quelques phrases, Gad celle-là.
Gérard Bitton: On n’était pas vraiment familier du Sentier. Quand on y a fait notre enquête pour le premier, on a tenté de capter la musique des dialogues. L’ensemble de nos dialogues est inventé. On ne les a pas récoltés dans les cafés, comme on le faisait au temps de Michel Audiard. 
Michel Munz: Je fonctionne beaucoup à la musique des mots. C’est quelque chose d’important pour moi. Même pour faire sonner les répliques. On a beaucoup inventé, mais on a aussi récupéré certaines phrases qu’on a entendues et qui nous ont semblé vraiment fortes et qu’on a ensuite adaptées pour nos textes. Très souvent, on s’est servi de la musicalité de la manière de parler des Juifs Tunisiens, de leur facilité à déformer les mots et à bouger les phrases pour ensuite recréer nos dialogues. 

C’est le cas de la fameuse scène du deux avec la tirade de Serge au téléphone?

Michel Munz: Ce monologue de Serge au téléphone était assez salé. C’est Bruno qui a glissé à José la réplique: "Tu sais quoi j’vais te casser tes petites pattes arrières?". Il l’avait empruntée à Lorant Deutsch sur le plateau de Jet Set.

Et "le con de ta race", c’est vraiment une invention de Gilbert Melki? 

Michel Munz: C’est ce qu’il dit. Je l’ai lu dans l’interview de So Film
Gérard Bitton: On ne se serait jamais permis! C’est un peu grossier quand même… Une anecdote: une fois, pour écrire le deux, on voulait assister à une vraie partie de cartes dans le Sentier pour nous inspirer. On se retrouve dans une maison avec des hommes d’âge mûr très élégants qui jouent aux cartes. Chaque fois qu’ils posaient une carte sur le tapis, ils proféraient la pire des insultes. On était vraiment stupéfait. Avec notre petit carnet, on notait tout. Soudain, un des joueurs se retourne vers moi et me demande si j'ai écrit La Vérité si je mens. Il me dit: "C’est bien, vraiment, mais quand même qu’est-ce que c’est vulgaire!"
Michel Munz: On est toujours le vulgaire de quelqu’un. 

Le mot "enculé" est désormais très décrié et revient souvent dans La Vérité si je mens. En écrivant ce nouveau film, vous avez essayé de faire attention au sens que portent certains mots, certaines insultes?

Gérard Bitton: C’est le propre de la grossièreté des insultes. Il n’y a pas de rapport très net entre le signifiant et le signifié. Par exemple, au Québec, on dit " tabernacle » ou " christ ». C’est une insulte qui a une fonction particulière, mais qui ne fait pas référence intrinsèquement à la religion. Quand on dit " enculé », on ne pense pas à l’action d’enculer. 
Michel Munz: Mais on fait davantage attention aujourd’hui. On ne peut pas dire que l’on fait de l’autocensure, mais au moment où on glisse le mot, on sait… C’est paradoxal pour nous: on fait un film qui se passe dans les années 1980, à une époque où on devait ne pas s’en soucier. Mais on l’écrit aujourd’hui et c’est vrai qu’on s’en rend bien compte - peut-être pas nous directement - mais autour de nous, avec les décideurs, etc. qui s’inquiètent, qui font des tests…
Gérard Bitton: Ce genre de tabous est très particulier. Regardez: on ne peut plus mettre sur une affiche quelqu’un qui fume une cigarette, parce que fumer tue. Mais il peut avoir un bazooka ou un canon. Ça ne pose aucun problème. C’est bizarre. 
Michel Munz: On est assez choqués par l’hypocrisie qui règne sur les films français par rapport aux films américains. Il y a une grossièreté terrifiante dans les films américains, surtout dans les comédies qui d’ailleurs ne sont plus des comédies familiales. Elles sont scatologiques, elles vont très loin… et la critique trouve ça très drôle. 
Le casting de La Vérité si je mens! Les Débuts
Le casting de La Vérité si je mens! Les Débuts © UGC Distribution

Vous avez glissé des souvenirs dans La Vérité si je mens! Les débuts?

Michel Munz: Serge est inspiré de quelqu’un qu’on a connu et qui a fini tragiquement. Très souvent, on aborde des thèmes de comédie qui dans la vie sont des thèmes qui peuvent être beaucoup plus durs. Cette personne qui nous a inspirés pour Serge a vécu avec une mythomanie permanente, qui l’a mise dans des situations de plus en plus compliquées dans le Sentier notamment. Il a eu des problèmes d’argent, puis de santé, et avec ce truc que l’on retrouve aussi chez Serge et qui nous a toujours plu: la capacité de se sortir toujours brillamment - croit-il - des situations les plus terribles.
Gérard Bitton: Dans La Vérité si je mens - les débuts, la scène de l’oral du bac est véridique…
Michel Munz: Il avait vraiment une minerve [pour attirer la sympathie du prof]… et il l’a eu! Avec mention en plus!
Gérard Bitton: C’était une amie qui s’était cassée la figure au ski. Elle était entrée dans un sapin et avait une minerve. Comme je n’étais pas particulièrement bon élève, je me suis dit qu’un atout de plus ne ferait pas mal. Et ça a marché. Toutes les répliques sont exactes.
Michel Munz: Autre souvenir dans La Vérité si je mens - les débuts: la réplique "Je ne financerai pas le baisodrome de mon fils". Elle vient de ma mère. Je me souviens l’avoir entendu dire de quelqu’un qui trompait sa femme qu’il avait pris une garçonnière et que c’était un véritable baisodrome. Ça m’avait marqué. Ça correspondait plus à l’année 1975 qu’aux années 1980. C’est une expression que l'on n’utilise plus du tout. Je trouve qu’elle collait bien pour marquer l’époque de ce film. Le mot est tellement drôle que je me dis qu’il peut revenir si le film marche.

Vous avez reçu beaucoup de refus pour le premier film. Ça a dû être l’inverse pour celui-là. 

Michel Munz: C’est vrai. Pendant le casting de La Vérité si je mens - les débuts, on a vu défiler toutes sortes de gens. Beaucoup de gens de banlieue sont venus postuler pour le rôle de Patrick Abitbol. C’est un rôle qui fédérait beaucoup de monde d’origines diverses. Au moment du premier, il y a eu beaucoup de refus d’acteurs juifs qui ne voulaient pas jouer de personnages juifs. Ils avaient cette crainte d’être catalogués. Ils ont ensuite changé leur fusil d’épaule. [Après le succès du premier], il y a eu moins de refus et de crispation. Ils ont accepté d’être des personnages juifs dans d’autres films. C’est devenu un personnage intéressant. Il a été reconnu en tant que tel, comme le Marseillais à l’époque de Pagnol. Je trouve que La Vérité a montré ça: avant il y avait une sorte de France une et indivisible où on faisait des films français. La Vérité a aidé à lancer ces films communautaires. C’est marrant que ces Juifs Tunisiens soient devenus des Gaulois.
Jérôme Lachasse