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Comment la crise sanitaire risque de changer le cinéma

Scarlett Johansson et Jonathan Rhys-Meyers dans "Match Point" de Woody Allen en 2005.

Scarlett Johansson et Jonathan Rhys-Meyers dans "Match Point" de Woody Allen en 2005. - BBC Films - Dreamworks SKG

Les tournages de films et de séries reprennent doucement. Mais les nouvelles réglementations imposées par la crise sanitaire vont changer beaucoup de choses, des budgets aux scénarios.

Y aura-t-il encore des baisers dans le cinéma? Les tournages ont repris depuis le 11 mai en France, mais les conditions ont totalement changé. La crise sanitaire engendre de nombreux bouleversements et beaucoup de contraintes nouvelles dans la façon de tourner les films et les séries.

La taille de l'équipe travaillant sur un tournage est désormais limitée à cinquante personnes. Les tentes de tournages ne peuvent plus être installées et le contact avec les riverains totalement évité.

Masques, gel et désinfection

Et les masques et le gel hydroalcoolique font partie du quotidien de chacun, acteurs comme équipe technique. Martin Bourboulon, aux manettes d'Eiffel, production française avec Romain Duris et Emma Mackey, confiait ainsi à BFMTV le 13 mai dernier, avoir ressenti "une légère appréhension de se voir travailler sur un plateau de tournage avec des masques, des gels" et de nouvelles règles sanitaires à appliquer.

Les tournages n'échappent ainsi pas aux règles imposées aux entreprises dans le cadre du "protocole national de déconfinement", qui impose des sens de circulation, ou encore le nettoyage et la désinfection réguliers du matériel.

Toutes les habitudes sont bouleversées, y compris les séances maquillage. "Chaque personnage a sa propre trousse. Et chaque fois que tu touches quelques chose, tu le désinfectes. Ca rajoute des gestes et de la réflexion. Les blushs, on les racle avec une spatule et on les applique avec des petits pinceaux jetables", expliquaient ainsi des maquilleuses sur le tournage des Mystères de l'amour, la série d'AB Productions, le 14 mai dernier. 

Plus d'extérieur et moins de baisers

Les contraintes sanitaires poussent également les réalisateurs à être créatifs, et à réécrire certaines scènes, pour éviter la promiscuité entre les acteurs. "Le premier réflexe a été de se dire 'quels sont les décors dans lesquels les scènes peuvent se passer plutôt en extérieur pour essayer de libérer au maximum l'espace'", explique ainsi Martin Bourboulon. "On se demande si dans telle scène, on peut aménager un peu les choses, les rencontres trop physiques, entre des gens, trop proches, comment on peut essayer d'alléger ça", ajoute le réalisateur.

Même ambiance sur le tournage des Mystères de l'amour. "J'ai enlevé les scènes de baiser et d'étreintes, que j'ai remplacé par des regards et des dialogues qui en disent autant", explique l'auteur et producteur Jean-Luc Azoulay, qui a dû mettre à jour le scénario de la série.

"On a réécrit environ 10 à 20 % des scènes pour respecter la distanciation sociale, estime pour sa part dans Les Echos Guillaume de Menthon président de TelFrance du groupe Newen qui produit Plus Belle la vie. "Il n'y aura plus de baiser à la télévision pendant longtemps". 

Tous les films ne se prêtent pourtant pas à de telles réécritures. Ainsi, pour le réalisateur Arnaud Malherbe, dont le film Ogre avec Ana Girardot a été "arrêté en plein vol" mi-mars, il y a "une limite à l'adaptabilité". "Il faut vraiment qu'on fasse attention à ne pas atteindre l'intégrité des films". Alors que son film prévoit une scène avec 200 figurants, il ne peut pas "la transformer en une scène de trois personnes dans une maison", comme il l'expliquait à l'AFP la semaine dernière. 

Des frais supplémentaires

Ces mesures, modifications et contraintes impliquent évidemment des coûts qui ne faisaient pas partie du budget initial des productions. 

Le 6 mai dernier, Emmanuel Macron, dévoilant son plan pour la culture, a d'ailleurs annoncé la mise en place d'aides spécifiques. "Il faut aider les artistes, les structures, les producteurs", avait-il souligné, dévoilant la mise en place d'"un fonds d'indemnisation temporaire", avec l'aide des assureurs, des banques, des Sofica (Société pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle), et le CNC.

Les productions hollywoodiennes - qui n'ont pas encore repris le chemin des studios - envisagent même, selon Variety, de se doter d'une équipe dédiée à la santé. Et certains films ne peuvent tout simplement pas se passer de contacts physiques. Zoë Kravitz n'attend qu'une chose: que le tournage de Batman avec Robert Pattinson reprenne. Ce qui semble compromis pour l'instant.

"J'ai des gens qui me touchent le visage et le corps toute la journée, explique l'actrice à Variety. J'ai besoin d'aide rien que pour enfiler mon costume de Catwoman".

Pour Tom But Tom Rothman, dirigeant de Sony Pictures, interrogé par le LA Times un retour sur les plateaux est possible. "Je n'imagine pas vraiment, dès le début, tourner des scènes géantes avec des milliers de figurants, livre-t-il. Mais avec des tests fiables et une distanciation sociale raisonnable, je pense que les protocoles vont évoluer pour créer un espace de travail où les équipes, qui ont hâte de reprendre, peuvent être en sécurité".

D'autres, voient dans cette crise sanitaire, une opportunité. La productrice de A star is born, Lynette Howell Taylor, explique ainsi à Variety: "Je me suis immédiatement dit, 'ok, qu'est-ce qu'on peut faire avec cinq personnes et une caméra'. Je pense que les réalisateurs indépendants vont connaître un renouveau. Je pense que c'est finalement une opportunité incroyable".

Magali Rangin