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Cinéma

César 2020: pourquoi cette édition s'annonce explosive

Les César (Photo d'illustration)

Les César (Photo d'illustration) - Thomas Samson - AFP

Retour sur les différentes polémiques qui marquent cette soirée où le cinéma français doit faire bonne figure et apparaître comme une grande famille unie.

Énième rebondissement autour de la 45 cérémonie des César, à quelques heures de son coup d'envoi. Ce vendredi, l'équipe du film J'accuse, dont l'acteur principal Jean Dujardin, renonce à participer à la remise de prix. Jeudi, c'était Roman Polanski, le réalisateur, qui annonçait qu''il serait absent. Le film est pourtant nommé dans 12 catégories, ce qui en fait le grand favori de la soirée. Du moins, si l'on se base uniquement sur le nombre des nominations. 

Car cette édition 2020 de la cérémonie des César promet d'être sous tension. Des associations ont appelé à manifester contre le long-métrage et le plébiscite dont il fait l'objet. Il y a quelques semaines, une autre controverse explosait avec la démission de la direction de l'Académie. Retour sur les différentes polémiques qui marquent cette soirée où le cinéma français doit faire bonne figure et apparaître comme une grande famille unie. 

L'affaire Polanski

Illustration de ce climat explosif, elle sera précédée dès 18h00 par un rassemblement à l'appel d'associations féministes, dont #NousToutes et Osez le féminisme, pour protester contre les nombreuses nominations de "J'accuse", devant la salle Pleyel, où se tiendra la cérémonie à partir de 21 heures. 

Elles n'acceptent plus, tout comme une partie de l'opinion publique, que le cinéaste franco-polonais reçoive des honneurs, alors qu'il est visé depuis novembre par une nouvelle accusation de viol et toujours poursuivi par la justice américaine dans le cadre d'une procédure pour détournement de mineure lancée en 1977.

L'actrice Adèle Haenel, qui a accusé le réalisateur Christophe Ruggia d'"attouchements répétés" quand elle était adolescente, a estimé à ce sujet dans un entretien au New York Times: "distinguer Polanski, c'est cracher au visage de toutes les victimes. Ca veut dire 'ce n'est pas si grave de violer des femmes'." La comédienne de 31 ans est en lice pour le César de la meilleure actrice pour Portrait de la jeune fille en feu.

Le collectif féministe #NousToutes a annoncé qu'il organiserait un happening au cours duquel il décernerait à des cinéastes "d'autres prix - moins glorieux -, afin que le rideau se lève sur la protection que leur accorde le monde des arts et du cinéma". Des affiches ont d'ailleurs été collées devant la salle Pleyel et le siège de l'Académie des César à Paris pour dénoncer Roman Polanski et réclamer l'annulation de la cérémonie.

Le cinéaste a décidé jeudi de ne pas s'y rendre. "Comment le pourrais-je?", demande-t-il dans un texte transmis à l'AFP:

"Depuis plusieurs jours, on me pose cette question: viendrai-je ou ne viendrai-je pas à la cérémonie des César. La question que je pose est plutôt la suivante: comment le pourrais-je?". Il affirme que "des activistes le menacent déjà d'un lynchage public". "Cela promet de ressembler davantage à un symposium qu'à une fête du cinéma censée récompenser ses plus grands talents", poursuit-il.

Accusation d'opacité et d'entre-soi

Les César sont affaiblis aussi par une violente crise qui les a secoués pendant plusieurs semaines, conduisant à la mi-février à la démission collective de la direction de l'Académie, accusée d'opacité et d'entre-soi.

Les turbulences se sont intensifiées quand plus de 400 personnalités du cinéma dont Omar Sy, Jacques Audiard ou Céline Sciamma, ont signé une tribune réclamant une "réforme en profondeur". Ils ont critiqué des "dysfonctionnements", une "opacité" des comptes ou des statuts et un manque de parité et diversité, précipitant la chute du conseil d'administration, présidé depuis 2003 par le producteur Alain Terzian.

Après cette démission, c'est la productrice Margaret Menegoz qui a été nommée présidente de l'Association pour la promotion du cinéma qui organise les César, dans l'attente d'une assemblée générale extraordinaire qui aura lieu le 20 avril. "J'ai confiance dans notre capacité à donner un nouvel élan à l'Académie des César d'ici l'été prochain", a assuré le président du Centre national du cinéma (CNC) Dominique Boutonnat, lors du dîner des producteurs des César.

Pour Marc Missonnier, vice-président de l'Union des producteurs de cinéma (UPC), "c'est une nouvelle ère qui s'ouvre pour les César, une ère basée sur plus de transparence, de participation des membres de l'Académie, et plus d'ouverture vers la parité par exemple". "On doit tous s'en féliciter", estime-t-il.

L'absence des femmes

Hormis les costumières et les monteuses, les femmes restent très minoritaires au palmarès des César, un manque de parité qui devrait perdurer vendredi lors d'une 45e édition à la sélection très masculine. Les femmes n'ont glané, depuis la première cérémonie en 1976, qu'un gros quart des César (27,4%), selon une base de données de l'AFP.

La proportion de lauréates chute même de 10 points, à 17,9%, dans les catégories mettant hommes et femmes en compétition (en excluant donc les récompenses remises à des acteurs par genre). Les César font à peine mieux que les Oscars américains, dont 17,3% ont été attribués à des femmes sur la période, selon une autre base de données de l'AFP. En France, la parité ne fut atteinte qu'une seule fois, en 2000, année où neuf César sur 18 furent attribués à des femmes (hors César d'honneur).

Cette 25e cérémonie fut doublement exceptionnelle, puisqu'elle consacra Tonie Marshall, seule femme à ce jour à avoir remporté le prestigieux César du meilleur réalisateur, pour Vénus Beauté (Institut). Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu) pourrait la rejoindre cette année, mais elle aura fort à faire face à sept concurrents masculins.

Cette année, les femmes représentent en moyenne 23% des nommés dans les catégories mixtes. L'Académie des César, chargée de les départager, compte actuellement 35% de femmes parmi ses 4.700 membres. Mais une réforme est engagée pour tendre vers la parité d'ici aux César 2021.

Plus de diversité

Une trentaine de personnalités du 7e Art, réalisateurs et acteurs, réclament dans une tribune une meilleure représentation des acteurs issus de l'immigration et de l'Outre-mer dans le cinéma français, à la veille de la 45e cérémonie des César.

Olivier Assayas, Mathieu Kassovitz, Stomy Bugsy, Firmine Richard, Aïssa Maïga, Sonia Rolland ou encore Edouard Montoute s'insurgent tous contre une industrie qui maintient "ses acteurs de couleur dans des rôles insignifiants qui ne justifieront jamais une quelconque nomination aux César."

"Cette invisibilité des acteurs, réalisateurs et producteurs issus de cette frange de la population accentue le malaise et le sentiment d’exclusion déjà vécu dans la vie réelle. A quand l’inclusion? La démission collective du conseil d’administration des César va-t-elle changer la donne?", s'interrogent-ils.

Citant les succès d'Il a déjà tes yeux, Les Misérables ou encore sur Netflix de Banlieusards et Le Gang des Antillais, la tribune affirme qu'il "n’est plus question, pour tous les professionnels du cinéma issus des immigrations et d’Outre-mer, d’être assignés aux rôles secondaires et stéréotypés auxquels on les a longtemps cantonnés": "Il est temps d’ouvrir les portes et les fenêtres du cinéma français. Car le talent, comme l’émotion, n’a pas de couleur."

J.L. avec AFP