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Brian Cox: "Churchill ressemble à un énorme bébé!"

Brian Cox dans Churchill (2017)

Brian Cox dans Churchill (2017) - Copyright SquareOne/Universum

ENTRETIEN - L’acteur écossais, qui interprète le célèbre premier ministre britannique dans un biopic en salles dès ce mercredi, raconte à BFMTV.com comment il a préparé son rôle.

Second rôle marquant du cinéma, l’acteur britannique Brian Cox est à l’affiche ce mercredi 31 mai de projets aussi différents l’un de l’autre: le biopic Churchill et The Jane Doe Identity, un film d’horreur dont il se dit "très fier" car "il fait peur aux gens". Brian Cox connaît bien ce sentiment: il a été le premier acteur à incarner à l’écran le terrifiant Hannibal Lecktor dans Sixième Sens (1988) de Michael Mann. Dans Churchill, il joue un personnage tout aussi terrifiant, du moins par sa stature, une figure militaire comme il en a tant joué, de X-Men 2 à Jason Bourne en passant par Troie. Pour BFMTV.com, il dévoile sa préparation pour le rôle et évoque ses souvenirs de tournage avec, notamment, David Fincher et Woody Allen.

Vous êtes né en Ecosse à Dundee, dont Churchill a été le député entre 1908 et 1922. Vous étiez né pour le jouer!

C’est exact. Churchill occupe une place dans ma vie depuis bien longtemps. Quand j’étais enfant dans les années 1950, mes oncles et tantes avaient des souvenirs extrêmement précis de Churchill. Il y a cette histoire vraie que m’a racontée mon oncle. En 1922, Churchill venait d’être battu. Il était porté sur un fauteuil de salon par quatre types de la classe ouvrière. En les voyant, mon oncle leur a demandé combien Churchill les avait payés. Ce à quoi ils avaient répondu: "une livre". Et mon oncle leur avait lancé: "Je vous en donne deux si vous le faites tomber!" Mes oncles et tantes n’’aimaient pas tellement Churchill. Il appartenait à une différente classe sociale et leurs idées politiques n’avaient rien à voir. Ils se sentaient abandonnés par Churchill parce qu’il avait changé de bord politique. Ce n’était pas un opportuniste, mais il avait été déçu par les libéraux et était passé du côté des Tories.

Avant Churchill, est-ce vrai que vous avez joué Hermann Göring et Joseph Staline?

J’ai joué Göring il y a 18 ans [dans le téléfilm Nuremberg, NDLR]. Et avant j’ai joué Staline quand j’étais très jeune [en 1969 dans la série Thirty-Minute Theatre, NDLR] et ce n’était pas un rôle évident à interpréter. Churchill est un incroyable personnage. J’ai été porté par cette idée que Churchill ressemblait à un énorme bébé. Sauf que dans son cas, il ne suçait pas son pouce, mais son cigare. Comme Mandela ou Napoléon, c’était un homme au grand destin. Son destin était de conduire la Grande-Bretagne hors de cette horrible guerre.

"Mes oncles et tantes n'aimaient pas tellement Churchill."

Comment avez-vous préparé le rôle?

J’ai essayé de ne pas trop imiter sa voix. Il s'appuie beaucoup sur les voyelles pour parler. J’ai compris que le Churchill que l’on connaît, celui des discours que l’on connaît de lui, est un Churchill rhétorique. C’est une prestation. On s’en rend compte à la fin du film. Il ne parlait pas réellement comme cela. Il ajoutait beaucoup de sérieux, de gravité dans ses discours. C’était un excellent écrivain. Ses discours sont des chefs-d’oeuvre. C’était l’élément clef à comprendre pour jouer Churchill. Bien que nous nous ressemblions physiquement, je n’ai pas cherché à l’imiter.

Brian Cox dans Zodiac (2007) de David Fincher.
Brian Cox dans Zodiac (2007) de David Fincher. © Sony Pictures

Vous avez souvent incarné des personnages historiques, comme l’avocat Melvin Belli dans Zodiac de David Fincher. Est-ce toujours le même processus?

Il s’agit de trouver des détails les concernant. Ceux-ci vous aident à construire le personnage. Melvin Belli est un très bon exemple. Il avait l’habitude de sortir avec ses clients et de boire énormément. Avant de sortir, il avalait une pinte de beurre clarifié afin que l’alcool glisse dans son corps et évite son foie. C’est un trait du personnage qui vous explique qu’il voulait donner l’impression d’être accessible, alors qu’il détenait en réalité le contrôle. Il n’y a rien de plus gratifiant que de jouer une personne historique. David Fincher m’a laissé libre de créer ma vision de Melvin Belli. Je suis l’un des rares acteurs à n’avoir pas fait 38 prises avec lui! (rires)

Vous jouez souvent des rôles marquants mais brefs, comme Hannibal Lecktor dans Sixième Sens.

J’ai eu beaucoup de chance que mon premier film important aux Etats-Unis soit Sixième Sens. Le personnage de Hannibal Lecktor apparaît, il me semble, seulement une dizaine de minutes. En l’espace de ces dix minutes, on peut faire passer beaucoup d’émotions. Ce qui manque à beaucoup de films, ce sont les acteurs de genre. Dans les années 1930 et 1940, il y en avait des géniaux, comme Claude Rains. Ils construisaient leur rôle avec une grande intensité, même s’ils n’avaient que trois scènes.

Votre interprétation de Hannibal Lecktor est mémorable, pourtant vous n’avez pas été engagé pour rejouer le personnage dans Le Silence des Agneaux.

Anthony Hopkins et moi avions le même agent. Quand j’ai tourné Sixième Sens, il jouait King Lear. Et quand j’ai joué King Lear, il tournait Le Silence des Agneaux. C’était étrange, cette juxtaposition... Des années plus tard, j’ai réalisé un épisode de Oz [série carcérale diffusée sur HBO entre 1997 et 2003, NDLR] où j’ai pu diriger Jonathan Demme [le réalisateur du Silence des Agneaux, NDLR]. C’était quelqu’un de formidable. On n’a jamais parlé du Silence des Agneaux et d’Hannibal Lecktor. Mais quand je le filmais, Demme avait l’habitude de regarder la caméra. Je lui ai fait remarquer qu’il faisait la seule chose que les acteurs n’avaient pas le droit de faire. C’était un peu ma manière de le remercier de ne pas m’avoir choisi pour Le Silence des Agneaux (rires).

Brian Cox (à gauche) dans Match Point de Woody Allen.
Brian Cox (à gauche) dans Match Point de Woody Allen. © DreamWorks SKG

Quels souvenirs avez-vous du tournage de Match Point de Woody Allen?

Woody est quelqu’un de brillant et de très anxieux. Beaucoup de choses se disent sur lui qui ne sont pas forcément véridiques. Je le trouve incroyable. J’ai adoré travailler avec lui. Il sait exactement ce qu’il veut et il l’obtient. Il ne perd pas de temps sur le tournage. Lui et Scarlett [Johansson] avaient une super relation. Elle s’amusait à l’imiter et à faire des blagues.

Vos apparitions dans des blockbusters comme X-Men 2 ou La Planète des Singes vous aident-elles à produire des projets plus personnels?

Il y a quelques temps, oui, mais plus maintenant. Pour La Planète des Singes, c’est moi qui ai aidé le réalisateur, Rupert Wyatt, à avoir le poste en le conseillant au producteur Peter Chernin. Je connaissais bien Rupert pour avoir joué sous sa direction dans The Escapist. Je l’ai aidé, mais je n’en ai tiré aucun avantage financier! (rires) Je me souviens que la paie a d’ailleurs été plutôt mauvaise sur La Planète des Singes. X-Men 2, en revanche, c’était autre chose. J’ai été bien mieux payé! (rires)

Jérôme Lachasse