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Cinéma

Black Snake: le premier super-héros africain vu par Thomas Ngijol et Karole Rocher

Thomas Ngijol dans Black Snake

Thomas Ngijol dans Black Snake - Copyright Jabulile Pearl Hlanze

Black Snake, en salles ce mercredi 13 février, raconte l'histoire du premier super-héros africain. Thomas Ngijol et Karole Rocher racontent les coulisses de cette aventure inédite en France.

Black Snake aura-t-il le même impact en France que Black Panther il y a un an aux Etats-Unis? C’est ce qu’espère son duo de réalisateurs Thomas Ngijol et Karole Rocher, qui s’est emparé de la figure du super-héros pour réaliser une hilarante satire du passé colonial français.

"Vu la société dans laquelle on vit, qui est très fragmentée, ce niveau de lecture, les films qui abordent ces sujets-là ne font pas de mal”, expliquent-ils. "Black Panther a fait beaucoup de bien par sa symbolique: il a montré qu’un blockbuster avec 90% de comédiens noirs pouvait très bien fonctionner. On ne part pas du même point de départ [avec Black Snake], mais il y a aussi cette espèce de manque d’un point de vue sociologique."

Situé dans un pays imaginaire du continent africain, Black Snake raconte l’histoire de Clotaire, de retour au village natal après un long séjour à la métropole. Élevé par un vieil homme chinois expert en arts martiaux, ce personnage lâche et alcoolique retrouve son pays gouverné par Ezéchias, un dictateur soutenu par la France. Pour libérer son peuple de l’oppression, il devient Black Snake.

"Au départ, on voulait s’amuser avec ce film", explique Thomas Ngijol. "Avec un co-auteur, on avait créé ce personnage et j’avais fait un sketch. Très souvent, on me disait de faire ce film, mais ça ne m’intéressait pas si on ne le contextualisait pas, si je ne le plaçais pas à une époque donnée. J’avais besoin d’un socle un peu solide. On a plaisir à voir ce personnage faire n’importe quoi, parce qu’il est dans un cadre où on comprend les enjeux. Et, inversement, on n’est pas alourdi par l’Histoire, parce qu’on est dans une comédie qui traite d’un personnage qui est à côté de la plaque."

"Un petit côté vierge"

"Ce n’est pas un film qui règle ses comptes, mais c’est bien d’avoir des appuis un peu réels parce que sinon ce super-héros tombe un peu à l’eau", renchérit Karole Rocher, qui coréalise et incarne le rôle d’une journaliste française qui enquête sur Ezéchias. Elle ajoute:

"Superman ne passe jamais en Afrique, il fait semblant de ne pas voir ce continent [il y passe en réalité brièvement dans Paix sur Terre d’Alex Ross et Paul Dini, NDLR]. Il aurait été dommage de faire un film en Afrique sur un super-héros qui est censé sauver le peuple et de ne pas situer l’Afrique sur des bases réelles. Ça aurait été presque hypocrite."

Pour cette raison, l’intrigue se déroule dans les années 1970. Une décennie qui offre la possibilité de filmer de belles tenues mais surtout de pouvoir raconter la naissance d’un super-héros africain au moment de l’indépendance de plusieurs de ces pays: Mozambique, Angola, Djibouti, Guinée-Bissau..."Je crois que l’on n’a pas vu ce genre de films et ce genre de personnages à cette période-là", glisse Thomas Ngijol. "Il y avait un petit côté vierge qui était ambitieux et intéressant à aborder à la réalisation."

De Bruce Lee à Super Timor

Black Snake, étonnamment, n’est pas construit comme une histoire de super-héros, mais plutôt comme les films de kung-fu du mythique studio hongkongais de la Shaw Brothers. On y retrouve par exemple les mêmes ingrédients que dans La 36e Chambre de Shaolin: le retour au pays d’un jeune homme parti à la capitale, la famille décimée, le peuple opprimé par un dictateur et enfin le triomphe du jeune homme devenu après un entraînement intense le héros du peuple opprimé.

"Ce sont des films que je connais de nom, que j’ai vus par petits morceaux, mais jamais dans leur intégralité", confie Thomas Ngijol. "Ce sont des codes qui ont été beaucoup repris par le cinéma américain. L’inspiration vient de ce genre de films où l’homme qui n’a pas le profil va endosser la cape pour sauver un peuple même si ce n’est pas sa volonté première."

Parmi les références de Thomas Ngijol figurent ainsi Bruce Lee, à qui il a emprunté le costume du Frelon vert, Jackie Chan, dont il prononce le nom comme un cri de guerre, le morceau Black Superman du groupe de hip-hop Above the Law et surtout Super Timor, fameux spot TV d’Etienne Chatiliez pour une marque ivoirienne d’insecticides. "Quand on construisait le film, il me l’a montré", se souvient Karole Rocher.

"Notre héros étant alcoolique, je me suis dit que ce serait intéressant de jouer avec Super Timor. C’est un bel hommage, ça fait partie du patrimoine”, ajoute son compagnon. “Le film aurait pu être riche de plein d’autres références, mais il fallait créer un univers qui nous appartienne, qui ne soit pas seulement une parodie."

Thomas Ngijol dans Black Snake
Thomas Ngijol dans Black Snake © Copyright Jabulile Pearl Hlanze

Des scènes d’action avec le chorégraphe de Jason Bourne

Ce court mais efficace film se démarque aussi par ses scènes d’action, chorégraphié par Alain Figlarz, connu pour son travail sur la série Braquo et La Mémoire dans la peau avec Matt Damon. C’est Karole Rocher qui a présenté Thomas Ngijol à Figlarz avec une idée bien précise: “C’était drôle de faire se rencontrer Thomas et Alain, qui est très premier degré. Ils ont fait un super travail, parce que Alain devait complètement s’adapter à la gestuelle naturelle de Thomas, parce qu’il n’était pas question que Thomas s’invente une musculature: il fallait qu’il soit très naturel.” Ils ont préféré adapter l’action à la comédie:

"Je trouve toujours ridicule quand un comédien que l’on ne connaît pas pour sa musculature devient très musclé alors que tu sens qu’il voulait surtout faire un peu de muscu. Je voulais rester un peu nul. Le côté pathétique ne me dérange pas, au contraire."

Une manière aussi pour l’acteur-réalisateur d’éviter un film trop formaté. Une décision à l’image de son casting: "On a voulu être libre et on l’a été. C’est quelque chose d’important de montrer d’autres visages, de montrer autre chose." Pour cette raison, les rares visages connus de Black Snake (Edouard Baer, Bernard Menez, Jérôme Le Banner) sont les seuls à souffrir. Un joli pied de nez à l’Histoire.

Black Snake
Black Snake © UGC
Jérôme Lachasse