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Bertrand Blier sort un nouveau film: "Depardieu est beaucoup moins violent qu'à l'époque des 'Valseuses'"

Le réalisateur revient avec Convoi exceptionnel, où il dirige Gérard Depardieu et Christian Clavier. Il raconte à BFMTV.com sa carrière et ses relations avec ces deux mythes du cinéma français.

Bertrand Blier est de retour aux affaires. Neuf ans après Le Bruit des glaçons, le réalisateur des Valseuses et de Tenue de soirée sort ce mercredi 13 mars son vingtième film, Convoi exceptionnel, une comédie noire dans la lignée de Beckett, le maître du théâtre de l’absurde. Pour l’occasion, il retrouve pour une huitième collaboration son vieil acolyte Gérard Depardieu et tourne pour la première fois avec Christian Clavier.

Après avoir fait des merveilles dans Les Anges gardiens et Mission Cléopâtre, les deux comédiens se retrouvent pour incarner Foster et Taupin, deux sinistres individus en possession d’un scénario effrayant: celui de leur vie et de leur mort. Comme souvent chez Blier, Convoi Exceptionnel fait la part belle aux logorrhées et aux réflexions sur la vie, la mort et le désir. À 79 ans, le réalisateur n’a rien perdu de sa verve. Il a accepté de revenir sur sa carrière et son nouveau film pour BFMTV.com.

Ce convoi est exceptionnel à plus d’un titre: c’est votre retour derrière la caméra et vous reformez le duo Clavier-Depardieu.

C’est un concours de circonstances qui fait que je me suis trouvé en contact avec Clavier. Je n’avais jamais tourné avec lui. Je le connaissais bien. C’était le dernier de l’équipe du Splendid avec lequel je n’avais pas tourné. On s’est parlé. Je lui ai dit que j’aimerais bien faire un film avec lui, que ça faisait longtemps que j’y pensais. Il m’a dit que lui aussi. On s’est arrangés très vite autour d’une bouteille. Puis, il a fallu lui trouver un partenaire. On a évoqué quelques noms. Très rapidement, Christian m’a dit que le mieux était Gérard. Et on a appelé Gérard.

Pourquoi vont-ils si bien ensemble, selon vous?

Ils sont de la même famille. Ce sont des acteurs qui sont arrivés dans le cinéma à peu près à la même époque. Il y a eu une éclosion d’acteurs fantastiques avec le Café de la gare, puis avec le Splendid, Coluche… Tous ces gens-là ont surgi à une époque où il n’y avait que Belmondo et Delon. Je ne sais pas pourquoi… C’est de la météo tout ça.

Ils ont fait bouger les lignes de l’humour?

Oui, bien sûr. Ils ont fait leurs films eux-mêmes. Ils ont eu des grands succès comme Les Bronzés. Ils sont devenus, depuis, une institution. Au théâtre aussi, d’ailleurs.

Dans Convoi exceptionnel, vous mettez en scène Clavier comme on l’a rarement vu, c’est-à-dire sinistre, un peu à la Buster Keaton. Pourquoi?

On a passé un petit contrat. Je voulais bien qu’il y ait des trucs drôles, mais je ne voulais pas du Clavier comique. C’est un immense acteur comique, il a fait une carrière là-dessus qui est formidable, mais moi je voulais un Clavier dramatique. Ce qu’il a fait dans le film: il l’a fait très bien, il l’a fait très discrètement. J’étais très content. Il a modifié son jeu pour aller vers moi.

Le jeu de Depardieu a-t-il changé depuis votre première collaboration dans Les Valseuses?

Il n’a pas énormément changé. Il a pris de l’âge. Comme nous tous. Ça lui donne une plus grande fragilité. Il est beaucoup moins violent que quand je l’ai réceptionné pour Les Valseuses. Ce n’est pas comparable. Il a eu entre-temps des moments difficiles. Il a eu des deuils. Il a perdu un enfant. Ça l’a pas mal déglingué. Maintenant, il est plus sensible. Il est plus proche de nous.

Convoi exceptionnel se déroule principalement dans les rues d’une ville. C’est le cas de plusieurs de vos films, comme Les Valseuses avec les grands ensembles au début ou de Buffet froid avec le métro à La Défense. D’où vient cette fascination pour la ville?

J’ai surtout filmé dans les banlieues, pas tellement intra-muros, sauf à Marseille [pour Trop belle pour toi et Un, deux, trois, soleil, NDLR]. Ce sont surtout les banlieues qui m’ont intéressé. Il y a des grands supermarchés, des trucs comme ça… Je ne sais pas pourquoi [j’y ai tourné mes films]. Je n’ai pas été élevé dans ces quartiers-là. Il n’y a pas d’explications. C’est comme l’écriture: on ne sait pas comment ça vient. Ça vient, c’est tout.

Dans tous vos films, y compris dans Convoi exceptionnel, ce cadre réaliste tranche avec des décors et des lumières souvent très stylisés, comme au théâtre.

C’est possible… Je ne me rends pas compte de cela. On essaye de faire de beaux plans quand on fait du cinéma. Même si on est dans une banlieue sinistre, on fait de beaux plans.

Christian Clavier, Gérard Depardieu et Bertrand Blier sur le tournage de Convoi exceptionnel
Christian Clavier, Gérard Depardieu et Bertrand Blier sur le tournage de Convoi exceptionnel © Copyright Nicolas Schul

Vous ne semblez pas un cinéaste nostalgique, pourtant il y a ce moment touchant dans Convoi exceptionnel où Farida Rahouadj chante un air que Suzy Delair chantait à votre père Bernard Blier dans Quai des orfèvres.

J’ai très bien connu le metteur en scène de Quai des orfèvres, Clouzot. Et puis j’ai beaucoup vu le film, parce que c’est un film que l’on peut voir tous les ans. Je le connais par cœur. La chanson m’est venue. J’ai eu envie de la faire chanter à Farida et de la mettre dans le film comme un petit clin d’œil. C’est presque une private joke.

Vous aviez déjà rendu hommage à Bernard Blier dans Les Acteurs…

Vous savez, c’est bien normal: quand on est le fils d’un acteur comme ça, on est marqué. Ça ressort de partout.

La mort est omniprésente dans vos films, mais elle est souvent présentée comme une blague...

Parce qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer à l’avance.

Convoi exceptionnel se termine avec une discussion entre Clavier et Depardieu sur un foie gras. Pourquoi? Qu'avez-vous voulu dire?

Rien. C’est un hasard du tournage. Il se trouve que le scénario était un peu court. Il me manquait une scène de dix minutes. J’ai demandé aux acteurs d’improviser cette scène où ils mangent. Il n’y a pas un mot d’écrit. Ils se sont bien amusés, mais ça n’a pas beaucoup à voir avec l’histoire.

Il y a une phrase de Convoi exceptionnel qui semble résumer le caractère de vos personnages dans votre œuvre: "C’est complètement con de se poser des questions sur ce que l’on fait". Vos personnages adorent râler, et même râler sur le fait de râler.

C’est possible… C’est le caractère français, aussi. On râle. J’aime beaucoup les acteurs de mauvaise humeur. J’aime bien la mauvaise humeur. La mauvaise humeur me fait rire. C’est vrai que Clavier, par exemple, est un acteur de mauvaise humeur. Fondamentalement: quand on le voit arriver, il est de mauvaise humeur.

Christian Clavier et Gérard Depardieu dans Convoi exceptionnel
Christian Clavier et Gérard Depardieu dans Convoi exceptionnel © Copyright Nicolas Schul

Vos films sont aussi des espèces de chaos organisés dans lesquels vous aimez plongez vos personnages…

Bien sûr… C’est un ressort de drôlerie: quand il y a du chaos, c’est plus drôle. Si c’est organisé, ce n’est pas très marrant. Pour le chaos, il fait avoir des acteurs qui s’y prêtent, qui sont drôles. C’est vrai que tous mes films sont chaotiques.

Comment voyez-vous l’évolution du cinéma comique français depuis vos débuts?

Je ne sais pas… Je ne vois pas beaucoup les films qui sortent. En ce moment, on est dans une période de comédies. On fait beaucoup de comédies, des comédies sympathiques. Avant, on faisait des films plus agressifs peut-être, je ne me souviens pas. Mais les miens sont plus agressifs. Je m’inscris en contre.

Quelles sont les comédies récentes qui ont pu vous intéresser?

Il y en a plein… Les Tuche… Des films comme ça... Il y en a sans arrêt.

Vous avez bien aimé Les Tuche?

Je n’ai pas dit ça, mais je l’ai abordé, j’en ai vu des morceaux.

Vous en avez pensé quoi?

Rien. Chacun fait son cinéma.

Il paraît que John Turturro a fait un remake des Valseuses. Vous l’avez vu?

Oui. Il me l’a montré et c’est très bien. Malheureusement, je pense que le film n’est pas distribué. Il n’est annoncé nulle part. Je pense que ça ne doit pas très bien se passer pour lui. Il a fait une autre version des Valseuses, assez fidèle. C’est Susan Sarandon qui joue le rôle de Jeanne Moreau. Turturro joue celui de Depardieu. Il s’est attribué le meilleur rôle.

Jérôme Lachasse