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Avez-vous remarqué ces lieux, objets, bruitages que l'on aperçoit dans tous les films?

Le cinéma adore se citer lui-même... voici une sélection de ses mèmes les plus fameux.

Le cinéma adore se citer lui-même... voici une sélection de ses mèmes les plus fameux. - Montage BFMTV

Le festival de Cannes, qui vient d'ouvrir ses portes, s'apprête à couronner la crème du cinéma: la beauté, la réflexion... et la créativité. Mais quelle que soit la qualité du film, le cinéma a aussi ses habitudes, ses combines pour économiser sur le budget, et ses private jokes. Bienvenue dans l'univers du mème cinématographique.

S'il y a un art qui, peut-être plus que tous les autres, adore se parodier lui même, c'est bien le cinéma. Lui et sa cousine la série TV sont de grands adeptes de l'autoréférence, cachant dans leurs recoins des private jokes et réutilisent des motifs éculés par pure autodérision. Car oui, le neuvième art pratiquait le mème avant Internet. Que ce soit des éléments de décor ou un habillage sonore, certains éléments, que seuls les connaisseurs reconnaissent, sont omniprésents.

> Le cri de Wilhelm

Il est le trait d'union, le point commun qui rassemble Star Wars, Toy Story, L'Arme Fatale, X-Files, Juno, Iron Man, Inglorious Bastards ou Gremlins... En fait, plus de 200 films ont été répertoriés par les fanatiques obsessionnels qui ont décidé de le traquer partout où il apparaissait. Mais attention, le cri de Wilhelm, c'est comme le petit défaut agaçant de votre meilleur ami: une fois qu'on en a pris conscience, il est impossible de ne plus le voir ensuite.

Si vous ne voulez pas être atteint de cette malédiction, passez au point suivant. Sinon, préparez-vous à l'entendre dans tous les films, ou presque, que vous allez voir. C'est un simple hurlement, d'agonie, de surprise ou de douleur, un brin surjoué. Un cri poussé pour la première fois dans un film de 1951, Les Aventures du capitaine Wyatt, par un soldat dévoré par un alligator. Le voici.

Comme souvent pour tout ce qui touche aux effets, le cri a été enregistré à un autre moment du tournage. L'acteur a fait une série de 6 cris, le numéro 5 ayant été utilisé pour l'alligator, les cinq autres dans d'autres scènes du film. Ils ont ensuite été mis en réserve sous des noms aussi génériques que "Un homme se fait mordre par un alligator, et il crie" pour utilisation ultérieure.

Ce que les responsables des effets sonores de la Warner se sont empressés de faire dans d'autres production. En 1952, en 1953, où il apparaît trois fois dans le même film, dans trois fims parus en 1954, et ainsi de suite. Pratique et pas cher. Si trois ingénieurs son l'avaient très vite repéré et utilisé de manière parodique dans chacun de leurs films, c'est son utilisation dans Star Wars par le bruiteur Ben Burtt qui le popularisera. Depuis, on le retrouve absolument partout. C'est devenu la private joke préférée des responsables des effets sonores.

Pas convaincu? Voici 152 exemples:

Et pourquoi Wilhelm? C'est Ben Burtt, qui le lui a attribué, en hommage à l'un des personnages qui pousse ce cri, bruitage paresseux, dans un film de 1954.

> La chaise en alu Emeco 1006

Si elle était actrice, elle serait la plus demandée. Si elle signait des contrats, elle serait milliardaire. Habituée du cinéma comme de la télévision, elle est absolument partout. Elle, c'est Emeco 1006, Ten-O-Six ou la "chaise de marine" pour les intimes.

La chaise Emeco 1006 a su susciter l'amour des designers.
La chaise Emeco 1006 a su susciter l'amour des designers. © Matthew Richards - CC

Conçu en 1944 pour équiper les sous-marins (la légende veut qu'elle soit à l'épreuve des torpilles), ce siège à base de 80% d'aluminium a, en 2012, dépassé le million de modèles construits. C'est peut-être l'un des mobiliers les plus durables jamais inventés, puisque son mode de fabrication n'a, depuis 72 ans, jamais changé d'un iota.

Cette chaise de métal, vous ne le savez peut-être pas mais vous la connaissez déjà. Mais si, rappelez-vous: les salles d'interrogatoire de The Dark Knight, la salle de diagnostic de Docteur House... elle apparaît souvent dans les polars comme Mystic River mais ne s'interdit aucun genre, des films tels qu'Avatar ou Watchmen aux séries comme Dexter ou encore The Good Wife.

La chaise Emeco 1006 dans la salle d'interrogation de "The Dark Knight"...
La chaise Emeco 1006 dans la salle d'interrogation de "The Dark Knight"... © Warner Bros - DC Comics

Comment s'est-elle retrouvée là? Jusqu'aux années 70, comme le raconte Slate.fr, cette chaise était presque exclusivement utilisée par la marine américaine. Hélas, son assemblage en soudure et son traitement thermique l'ont rendue plus solide que l'acier. Trop robuste, il n'est jamais besoin de la remplacer: les ventes plongent malgré le fait qu'hôpitaux, prisons et commissariats aient fini par l'adopter.

... et dans celle de "Dexter".
... et dans celle de "Dexter". © Showtime

Ce n'est qu'à la fin des année 90 que des designers tels que Philippe Starck et Terence Conran la remarquent et fassent d'elle l'ambassadrice du retro-chic. La légende était écrite.

> Le journal au titre énigmatique

C'est une page de journal on ne peut plus classique bien qu'un peu datée: un format en six colonnes, très dense, deux ou quatre photos agencées différemment mais toujours ce même un portrait. Au-dessus, ce titre, invariable: "She's 3rd Brightest But Hard 'Gal' To See". Inutile de demander une traduction de cette phrase, les linguistes les plus pointus se sont cassés les dents sur sa signification.

Ce qui rend ce journal exceptionnel, c'est qu'il apparaît comme accessoire dans Desperate Housewives, Mariés, deux enfants, CasperNo Country For Old Men, Scrubs, Angel et même Power Rangers Zero. Gardez-le en tête, je vous promets que vous le reverrez.

Un utilisateur de Reddit a remarqué cette curieuse apparition dans plusieurs films et s'est mis à la traquer. Il en a fait une mosaïque.
Un utilisateur de Reddit a remarqué cette curieuse apparition dans plusieurs films et s'est mis à la traquer. Il en a fait une mosaïque. © Brow Beat - Reddit

Slate.com explique que cette feuille de journal provient d'une petite entreprise d'accessoires aujourd'hui centenaire spécialisée dans les faux journaux, The Earl Hays Press. Elle a été fondée en 1915. Mais la page en question a été imprimée dans les années 60, ce qui en explique le côté un peu vieillot. 

Les accessoiristes ont besoin de faux journaux car cela leur évite de négocier l'apparition d'une véritable marque à l'écran: avec de tels pastiches, ils peuvent faire ce que bon leur semble.

Seulement voilà. The Earl Hays Press produit de nombreux modèles, dont certains bien plus modernes et conformes à ce qui se lit aujourd'hui. Pourquoi les accessoiristes ont-ils alors persisté, et persistent-ils toujours, à utiliser cette vieille feuille de choux? La cause la plus évidente semble être la même qui explique la présence du cri de Wilhelm: le clin d'œil humoristique aux initiés.

> L'affreuse couverture en laine

Regardez bien ces carreaux colorés cerclés de noir, ces grosses mailles énormes qui feraient passer le pull de noël que votre grand-mère vous a tricoté à vos 11 ans pour une élégante chemise de soie. Elle ne vous dit rien? Regardez-la encore.

Cette couverture est partout.
Cette couverture est partout. © WBEI

Cette couverture aux couleurs discordantes est bien souvent déposée au pied d'un lit, ou étalée sur le dossier d'un canapé. On appelle ce style le crochet afghan. Les amateurs de vieilles séries américaines la connaissent bien pour l'avoir vue dans Le Prince de Bel-Air, Taxi ou Roseanne, mais on l'aperçoit aussi dans des productions plus récentes comme Philadelphia ou Jane The Virgin.

Le crochet afghan s'est aussi glissé dans The Big Bang Theory, Mad Men ou Parks and Recreation. Et bien sûr, les fans de Friends ne peuvent pas ne pas se rappeler de lui. Avec une légère variante toutefois: sa bordure est blanche.

Oh, mais qui est là, derrière Rachel et Monica?
Oh, mais qui est là, derrière Rachel et Monica? © NBC

Quant à savoir la raison de son omniprésence, Laura Bradley, de Slate.com, a enquêté. Ces motifs étaient extrêmement populaires dans les années 70, et ils ne servaient pas seulement de couvre-lit, mais on en faisait aussi des vêtements ou des chapeaux. D'ailleurs, si vous êtes sous le charme, Glamour vous explique comment faire la vôtre.

L'accessoiriste de Roseanne explique par exemple que durant son enfance, il en voyait partout dans l'Illinois (où se déroule aussi l'action de la série). C'était pour lui un choix émotionnel et une volonté de réalisme. La chef-décoratrice de The Big Bang Theory, Ann Shea, avance, elle, une explication esthétique: "La texture est super, les couleurs aussi, et cela a beaucoup de caractère." Mais surtout, cela colle au caractère du personnage, complètement réfractaire à la mode.

Du côté de Philadelphia, l'accessoiriste évoque, lui, le côté "funky, arty, éclectique et cheap" du crochet afghan. Chez Jane the Virgin, on explique que cela donne un cachet traditionnel. Il semble surtout que ces couvertures soient une sorte de symbole de l'Amérique, le témoin d'une époque dont on se rappelle avec émotion.

> Le Quality Cafe

Il y a un endroit que vous connaissez par cœur sans jamais y avoir mis les pieds. Sans même en avoir conscience. Ce lieu magique s'appelle le Quality Cafe, et il fait partie de ces lieux de tournage sans cesse recyclés par les réalisateurs, sans pour autant être vraiment remarqués par les spectateurs.

Le Quality Cafe est un peu comme la couverture en crochet afghan: il représente une certaine Amérique, il est parfaitement cliché, il donne tout de suite une ambiance et délivre un message. Un artifice dont les réalisateurs se sont servis dans un nombre de films incalculable: Mr. & Mrs. Smith, Arrête-moi si tu peux, Training Day, Million Dollar Baby, Seven, "Ghost world, mais aussi les séries Mad Men ou Les Experts. Exactement le même café, exactement le même décor. 

Le Quality Cafe existe mais personne n'y mange jamais à part les acteurs. Il fait partie de ces lieux, à Los Angeles, entièrement dédiés à l'industrie du cinéma et n'ouvre que pour les tournages. Le reste du temps, son rideau de fer reste obstinément baissé.

> La compagnie aérienne Oceanic Airlines

Si vous êtes un personnage de série ou de film, il y a de fortes chances que vous voyagiez à bord d'un vol Oceanic Airlines. Si vous êtes une personne réelle, cette probabilité tombe à zéro. Les fans de Lost la reconnaîtront aussitôt: Oceanic Airlines est la compagnie aérienne fictive qui transporte Jack, Kate ou Hurley vers leurs folles aventures. Ce qu'ils ignorent peut-être, c'est qu'elle apparaît dans un grand nombre de films et de séries...

C'est dans le film Ultime Décision que la compagnie apparaît pour la première fois, en 1996. Le scénario décrit la destinée d'un Boeing 747 détourné par des terroristes. Les producteurs ont, à cette époque, tourné des scènes réputées très coûteuses, mêlant un véritable 747 et un certain nombre de maquettes manipulées par des grues. Ces images ont été utilisées, par mesure d'économies, dans diverses productions par la suite.

Grey's Anatomy, Fringe, Flipper, X-Files, Flashforward, LAX, JAG, Desperate Housewives, Predictions, Alias... Oceanic Airlines est omniprésente (regarder à partir de 5'). Cette compagnie est si populaire que certains ont fait pour elle de faux clips promotionnels à partir d'images de Lost et que d'autres lui ont créé un faux site web pour réserver un vol.

Mais alors pourquoi les producteurs de Lost ont choisi ce nom s'ils n'utilisent pas les images? Pourquoi Oceanic Airlines est un nom de compagnie aérienne cité dans des dialogues, comme dans Chuck, alors qu'on ne montre même pas d'images d'avion? Tout simplement parce qu'Oceanic Airlines est devenu un mème, au même titre que le cri de Wilhelm ou le journal de The Earl Hays Press. Le cinéma adore se citer lui-même, on vous dit.