BFMTV
Cinéma

Attentats de Paris: le cinéma rattrapé par l'actualité

Les cinémas sont restés fermés, ce samedi à Paris, au lendemain des attentats terroristes dans la capitale.

Les cinémas sont restés fermés, ce samedi à Paris, au lendemain des attentats terroristes dans la capitale. - Bertrand Guay - AFP

Face aux attentats qui ont touché Paris ce vendredi 13 novembre, distributeurs et producteurs se posent la question de sortir certains films évoquant la radicalisation islamiste.

Made in France, Taj Mahal, Les Cowboys: plusieurs films sur la radicalisation islamiste ont été rattrapés par l'actualité des attentats à Paris, posant le dilemme de leur sortie aux distributeurs et producteurs.

Taj Mahal, l'histoire vraie d'une Française de 18 ans prise dans les attaques islamistes de Bombay en 2008, sortira comme prévu le 2 décembre malgré l'actualité, a annoncé mardi son distributeur. "On s'est vite dit que ne pas sortir le film, c'était reculer et finalement capituler", a expliqué Mathieu Robinet, directeur général de Bac Films. "Ca devient une question presque politique".

"Peut-on sortir le film maintenant vis-à-vis des familles?"

Ce film suit une jeune fille qui se trouve dans l'un des hôtels pris pour cible lors des attentats de Bombay (166 morts). Des islamistes avaient alors pris d'assaut des hôtels de luxe, la principale gare, un centre juif et d'autres sites de la mégapole, un mode opératoire qui fait écho aux attaques sanglantes de Paris vendredi.

"On s'est posé une question éthique: est-ce qu'on peut le sortir maintenant vis-à-vis des familles?", raconte Mathieu Robinet. Mais "le film a vraiment une distance nécessaire qui n'est pas du tout racoleuse. On n'est pas du tout dans le film de genre, dans un exercice de style. C'est un drame vraiment du point de vue des victimes et du coup, il est on ne peut plus pertinent aujourd'hui malheureusement". "On pense que c'est important de le montrer maintenant, car les gens aujourd'hui ont besoin de parler de ça", ajoute-t-il, soulignant que des débats vont être organisés autour du film.

En résonance lui aussi avec l'actualité, L'Humour à mort, documentaire de Daniel et Emmanuel Leconte en forme d'hommage aux dessinateurs de Charlie Hebdo assassinés en janvier, sortira également comme prévu le 16 décembre, a indiqué le distributeur Pyramide au Film Français.

La sortie de Made in France reportée

Le distributeur et le producteur du film Made in France, qui raconte l'infiltration par un journaliste d'une cellule jihadiste préparant un attentat terroriste de grande ampleur au coeur de Paris, ont, eux, pris une décision différente dès samedi. La sortie du film, prévue mercredi, est déprogrammée. L'affiche de ce thriller de Nicolas Saada, que producteur et distributeur ont aussi décidé tout de suite d'enlever, montrait une Tour Eiffel en forme de kalachnikov.

Le projet, lancé il y a quatre ans, avait déjà subi le contrecoup de l'actualité, après les attentats islamistes de janvier à Paris. Le groupe M6 avait alors décidé de se retirer, avant que la société Pretty Pictures ne devienne son nouveau distributeur. Pour le président de Pretty Pictures, James Velaise, aujourd'hui "ce n'est pas le moment" de le sortir. "Les gens n'auront pas envie d'aller au cinéma voir cela", a-t-il déclaré au Figaro.

La question de l'envie des spectateurs s'est aussi posée pour le film Les Cowboys de Thomas Bidegain, sur la radicalisation jihadiste, qui sortira de son côté comme prévu le 25 novembre. Mais pas celle de la pertinence du sujet, la quête obsessionnelle d'un père pour retrouver sa fille partie avec un musulman radicalisé.

L'envie d'aller au cinéma

"Il n'y a pas eu de débat sur le fait que notre propos pourrait ne pas être adapté à la période", indique son producteur, Alain Attal. "Il ne faut pas bouger les choses en fonction de mecs qui sont dans des bagnoles avec des kalachnikovs", lance-t-il. "Je me demande plutôt si les gens vont avoir envie d'aller au cinéma tout court", dit-il. "La question s'est posée de savoir si tout notre travail n'allait pas être anéanti par l'absence de gens au cinéma".

Les professionnels s'interrogent en effet sur les conséquences des attentats sur la fréquentation des salles. Même si le nouveau James Bond a réalisé un nombre d'entrées record entre mercredi et dimanche dernier, avec près de deux millions de spectateurs.

Romain Iriarte avec AFP