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Cinéma

Après son épopée avec Gérard Depardieu, Mathieu Sapin revient avec deux BD et un film, Le poulain

Mathieu Sapin et l'équipe du film Le Poulain

Mathieu Sapin et l'équipe du film Le Poulain - Yohan Bonnet / AFP

Le dessinateur sort deux albums, Supermurgeman et Akissi, ainsi qu'un film, Le Poulain, avec Alexandra Lamy, en salles ce mercredi 19 septembre.

Rentrée chargée pour Mathieu Sapin. Un an et demi après son truculent Gérard, le dessinateur revient avec trois projets bien différents: deux BD - Akissi: Mission pas possible (scénario de Marguerite Abouet) et Supermurgeman: Opération Sheila - et un film, Le Poulain, avec Alexandra Lamy, qui sort ce mercredi 19 septembre.

"Je ne voulais pas attendre que le film soit fini pour me remettre à la BD", raconte le dessinateur, qui a monté Le Poulain dans le studio contigu à son atelier parisien. "Parfois, mon monteur Pierre Deschamps n’avait pas besoin de moi car on était sur des phases un peu plus techniques. Je pouvais donc revenir dans mon atelier. Ça m’a permis, comme j’avais très peur de m’ennuyer, de dessiner Akissi et Supermurgeman. Et tout sort en même temps."

Les fans des BD de Mathieu Sapin retrouveront dans Le Poulain les thèmes fétiches de l'auteur du Château, à commencer par le sujet, le milieu politique, que le dessinateur connaît bien pour l'avoir côtoyé de près pendant le quinquennat de François Hollande. Dans Le Poulain, Mathieu Sapin déconstruit l'image que la France essaye de se donner dans le monde.

"Alexandra Lamy perturbe" 

Dans Le Poulain, le personnage principal, Arnaud, rêve de quitter son pays pour rejoindre sa compagne au Canada, mais ne cesse d'être rappelé à l'ordre par ses supérieurs: "On lui dit que le destin du pays est ce qu'il y a de plus important, comme si chaque action qu’il va faire ou ne pas faire pouvait avoir une influence sur le destin national." 

Au-delà de cette vision satirique, Le Poulain se présente comme un conte, une fable initiatique. Comme dans Le Rouge et le Noir de Stendhal ou Illusions perdues de Balzac, un jeune homme débarque de sa province et "plonge dans un univers merveilleux ou inquiétant": la campagne d’un candidat à l’élection présidentielle. Influencé par l'humour percutant de Veep, une série américaine sur les coulisses de la Maison Blanche, Mathieu Sapin n'a pas voulu adopter de style documentaire:

"Beaucoup de choses dans le film renvoient à la réalité. Il y a de vrais journalistes. On est vraiment sur le plateau de C News, de Bruce Toussaint, on est vraiment à l’Elysée, il y a Gaspard Gantzer. Donc je ne voulais pas donner en plus un effet de caméra embarquée", explique le réalisateur qui s'est réservé un rôle, celui du secrétaire-adjoint de l'Elysée.

Projeté dans l'arène politique, Arnaud croise une galerie de personnages inquiétants, dont une directrice de la communication redoutable, incarnée par Alexandra Lamy dans un rôle à contre-emploi qui a pu surprendre le public lors des avant-premières: "Elle perturbe", acquiesce le cinéaste. "Les gens ont plaqué sur elle une image de la bonne copine, sympa, qui a des problèmes de cœur. Là, c’est tout l’inverse: c’est une femme impitoyable, déterminée, qui n’hésite pas à casser des œufs pour faire une omelette."

Retrouver Assiki, "une récréation"

Retrouver Akissi, dont il dessine les aventures depuis 2010, et surtout Supermurgeman, dont la dernière aventure remonte à 2005, a été pour Mathieu Sapin une véritable récréation face à l'exercice complexe du cinéma. D'autant qu'il a pu renouer avec bonheur avec son premier personnage, Supermurgeman, né aux Arts Déco en 1995: "Je n’imaginais pas une seconde à cette époque que je serais là vingt ans plus tard en train de reparler de ce personnage." Dans Akissi, Sapin et Abouet peignent une vision idéalisée du territoire français. Une vision qui ne séduit pas du tout la jeune héroïne, qui refuse de se rendre à la métropole, offrant ainsi un contrepoids à Arnaud, le héros du Poulain qui ne rêve que de quitter la France.

Akissi
Akissi © Gallimard

Supermurgeman, le super-héros qui vomit sur ses ennemis

Album "très pop" et "très hybride", conçu en "freestyle complet", le quatrième tome de Supermurgeman lui a permis de "s'amuser et de se défouler" en mêlant des pages parues ces dernières années dans les revues de BD Pilote et Psikopat, ainsi que sur le site d’Arte pour l’émission Personne ne bouge.

Pour les intégrer dans un récit "qui soit éclaté mais qui raconte aussi une histoire", il a dû retravailler ces planches: "C’était très agréable. C’est très intéressant de parler avec le soi-même de 2010", précise-t-il, avant d'ajouter que l'album a été conçu pour les fans comme pour les nouveaux lecteurs.

Influencé autant par l'humour absurde de Pierre La Police que par "la puissance comique involontaire" du Fantôme de Lee Falk (le créateur de Mandrake le magicien), Supermurgeman est un super-héros burlesque qui parle de manière désuète et vomit sur ses ennemis. Vêtu d'un slip, il fait aussi penser au Gérard Depardieu de Tenue de Soirée: "Beaucoup de gens font le parallèle, mais Supermurgeman est plus mutique", souligne Mathieu Sapin.

Supermurgeman
Supermurgeman © Dargaud

"Comme dans Twin Peaks saison 3"

Supermurgeman a beau être mutique, l'album est truffé de détails et de blagues: "J’ai toujours peur que le lecteur lise un peu trop vite", dit le dessinateur, qui a conçu Akissi d'une manière complètement différente, en divisant chaque page en quatre cases de taille égale: "C’est quelque chose que Marguerite [Abouet, sa scénariste, NDLR] m’a appris. Quand je suis scénariste, j’ai peur d’être trop simple. Marguerite n’a pas peur de ça. Et les enfants adorent." Bien que ces albums aient été conçus pendant le montage du Poulain, le cinéma n'a pas influencé son travail: 

"Je voulais plutôt retrouver l’état d’esprit des précédents, il fallait que je démontre à mon public d’avant que ce n’est pas parce que je suis parti faire du cinéma que j’ai arrêté [la BD] pour autant. C’est pour ça que Supermurgeman a pris de l’âge et de la bouteille. C’est comme dans Twin Peaks saison 3", détaille le dessinateur qui s'est inspiré de l'épisode 8 de la série de David Lynch pour le champignon atomique qui orne la couverture.

Si l'expérience du cinéma lui a plu, Mathieu Sapin ne sait pas encore de quoi l'avenir sera fait. Le dessinateur a "plein d'idées" et hésite désormais entre un livre sur le Portugal ou un nouveau récit politique. On ne se refait pas.

Supermurgeman, tome 4: Opération Sheila, Dargaud, 12 euros.

Akissi, tome 8: Mission pas possible, Gallimard, Gallimard, 10,50 euros.

Jérôme Lachasse