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Cinéma

Annecy 2019: avec Abominable, DreamWorks réinvente le mythe du Yéti

Abominable, le nouveau DreamWorks.

Abominable, le nouveau DreamWorks. - Universal

Écrit, produit et réalisé par une équipe presque entièrement féminine, Abominable raconte l'amitié entre une jeune fille intrépide et un Yéti. La réalisatrice Jill Culton raconte comment elle s'est battue pour imposer sa vision.

Première femme à avoir réalisé au sein d'un grand studio américain un film d’animation 3D (Les Rebelles de la forêt en 2006), Jill Culton a présenté cette semaine au festival international d’Annecy les premières images de son second long-métrage, Abominable.

Attendue le 23 octobre prochain dans les salles obscures, cette comédie d'aventure raconte l'amitié entre Yi, une jeune adolescente intrépide, et Everest, un Yéti aux pouvoirs magiques, pourchassé par une zoologiste. 

Écrit, produit et réalisé par une équipe presque entièrement féminineAbominable se déroule de nos jours en Chine, entre Shanghai et la frontière tibétaine. Co-production sino-américaine, le film unit les forces du mastodonte DreamWorks (Shrek, Dragons) et du studio Pearl, installé à Shanghai.

La ténacité d'une réalisatrice

Ancienne de Pixar, elle a notamment travaillé sur les deux premiers Toy Story  et Monstres et Cie. La réalisatrice, qui a rejoint DreamWorks en 2010, travaille depuis de nombreuses années sur Abominable, dont la production n'a pas été de tout repos.

La cinéaste, qui a commencé à développer le projet en 2014, a été débarquée en 2016 et remplacée par deux hommes lors du départ du co-fondateur de DreamWorks Jerry Katzenberg. Depuis, une nouvelle équipe dirigeante est en place et Jill Culton a pu récupérer son projet.

Fait rare, la réalisatrice a pu également obtenir de porter à l'écran sa version d'Abominable, modifiée par ses deux remplaçants. Rencontrée au Festival d'Annecy, elle commente quatre scène d'Abominable et raconte comment elle continue de se battre pour imposer sa vision.

Yi, l'héroïne d'Abominable

"Je suis très fière de ce personnage, Yi. J'ai grandi avec des films de princesses et je n’étais pas une princesse! J’étais un garçon manqué. J’ai grandi pas loin d’une plage et je passais mon temps à faire du surf, du skate, j’étais indépendante. J’avais l’habitude de partir tôt le matin pour jouer toute la journée. Je faisais les 400 coups et mes parents ne savaient pas où j’allais! Je suis donc très proche de ce personnage qui est une fonceuse, mais aussi quelqu’un de très altruiste qui multiplie les petits boulots pour survivre. Ces traits de caractère donnent la vie à un personnage qui est un exemple inédit [pour les spectateurs et les spectatrices].
L’appartement où se déroule l’intrigue dans cette scène est typique de la Chine moderne [l’intrigue débute à Shanghai, NDLR]. Avec le directeur artistique Max Boas, nous estimons primordial que chaque détail de ces lieux soit parfait, qu’il soit parfaitement respectueux de la culture représentée dans le film. On y est parvenu grâce au studio Pearl qui est installé à Shanghai."

Éverest, le Yéti

"J’ai déjà travaillé sur des créatures poilues dans Monstres et Cie [dont elle a co-écrit une première version du scénario, NDLR], mais je n’ai pas pensé à Sully [l'un des héros du film de Pixar, NDLR] pendant la production d’Abominable. Le point commun entre ces deux films est que nous avons créé des personnages qui n’existent nulle part ailleurs sauf dans notre imagination. C’est très stimulant. On pense que les Yéti existent - de temps en temps, on découvre même une empreinte de pas, comme cela a été le cas le mois dernier en Inde. Et si c’était vraiment le cas, quels bruits feraient-ils? Comment se déplaceraient-ils?
Avec mon designer Nico Marlet, qui a travaillé sur Monstres et Cie, Kung Fu Panda et Dragons, nous avons beaucoup réfléchi au look du Yéti. Beaucoup de personnes l’imaginent très grand, proche de l’homme - ce que nous ne voulions pas. Nous voulions au contraire qu’il marche à quatre pattes, qu’il se déplace en roulant comme une énorme boule de poils. J’ai été animatrice pendant des années et j’ai voulu créer un personnage avec lequel les animateurs auraient beaucoup à faire. Son design est très simple, mais il est difficile à manipuler car il peut facilement changer d’apparence dès qu’on modifie un détail de son visage."

Surfer sur un champ de fleurs

"Everest a le pouvoir de contrôler la nature. Cette idée vient de mon amour pour la nature et de l’euphorie que je peux ressentir lorsque je m'y promène. Nous avons voulu retranscrire cette sensation dans Abominable et nous avons symbolisé une idée abstraite à travers le pouvoir du Yéti.
L’idée dans cette scène, était donc de transformer ce champ en une gigantesque vague de fleurs qui ne cesse de s’agrandir avant de former un tunnel! Nous avons réuni une équipe composée de nos meilleurs animateurs - une quinzaine de personnes - qui ont travaillé un an sur cette scène. Ce fut un sacré défi du point de vue de l’imagination car personne n’avait jamais vu cela auparavant. Il y a beaucoup de scènes dans ce genre dans Abominable.
Pour cette vague, il y a eu tellement d’essais et de tests ratés... Ces échecs ont pu nous aiguiller dans la bonne direction. Max Boas, le directeur artistique, et Mark Edward, le responsable des effets spéciaux, ont eu l’idée de mettre des fleurs jaunes pour laisser entrevoir au sol les tiges qui explosent et donner ainsi l’impression d’une vague, avec les pétales pour symboliser les éclaboussures de l’eau."

Voler sur des nuages

"Cette séquence n’est pas encore terminée. C’est une des scènes les plus difficiles à réaliser. La symbolique de la carpe koï [le poisson que chevauchent les personnages, NDLR] est très importante dans le film. Les carpes koi représentent la persévérance. Dans cette séquence, alors que les personnages hésitent à abandonner, ils voient ces nuages de carpes qui s’envolent - ce qui est complètement impossible.
Réaliser cette scène a pris une année durant laquelle se sont enchaînés les tests, d'abord horribles puis prometteurs. Jeff Budsberg, qui est le responsable des effets spéciaux, a travaillé avec une super équipe et après une multitude de discussions, voici le résultat.
La scène intervient après une séquence d’action assez mouvementée. Elle me tient beaucoup à cœur car elle a failli être coupée du montage à cinq reprises! Les dirigeants estimaient qu’on n’en avait pas besoin. J’ai insisté, arguant qu'elle apportait de l'espoir au public et lui permettait de souffler après une grosse scène d'action. Je suis si heureuse qu’elle soit finalement dans le film. Elle est magique."
Jill Culton, la réalisatrice d'Abominable.
Jill Culton, la réalisatrice d'Abominable. © Universal
Jérôme Lachasse