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Alexandra Lamy: "Nos Patriotes a des résonances avec ce qui se passe aujourd'hui"

Alexandra Lamy dans "Nos Patriotes", en salles le 14 juin 2017

Alexandra Lamy dans "Nos Patriotes", en salles le 14 juin 2017 - Christine Tamalet - Vertigo

ENTRETIEN - L'actrice, qui alterne désormais les comédies et les drames aussi bien sur le grand et petit écran, est à l'affiche de Nos Patriotes, en salles le 14 juin. Le film retrace l'histoire vraie et méconnue du jeune tirailleur sénégalais Addi Bâ pendant la Seconde Guerre mondiale.

Populaire, souriante, attachante. Alexandra Lamy a conquis le public par le biais de la série culte Un gars, une fille. Depuis, l'actrice a toujours une place particulière dans le coeur des Français qui la suivent dans une carrière aujourd'hui riche de rôles très éclectiques. Alors que la télévision continue à lui offrir des rôles forts (comme dans les fictions Une chance de trop et Après moi le bonheur sur TF1), la comédienne multiplie les projets au cinéma. Celle qui était récemment à l'affiche des comédies Retour chez ma mère ou L'embarras du choix d'Eric Lavaine s'illustre dans un tout autre genre, plus dramatique.

Dans Nos Patriotes de Gabriel Le Bomin, qui raconte l'histoire vraie d'Addi Bâ, un jeune tirailleur sénégalais surnommé le "terroriste noir" pour son combat de "résistant" dans les Vosges pendant la Seconde Guerre mondiale, Alexandra Lamy donne la réplique à Marc Zinga, Louane Emera et Pierre Deladonchamps. Pour BFMTV.com, elle revient sur l'histoire de ce film, qui "résonne" aussi avec la France d'aujourd'hui, mais évoque également sa carrière et sa vie à Londres.

Qu'est-ce qui vous a donné envie de jouer dans Nos Patriotes, dans lequel vous incarnez une institutrice s'engageant dans la résistance? 

Je connaissais le travail de Gabriel Le Bomin, notamment grâce à son film Les fragments d’Antonin. C'est un réalisateur très intéressant. Quand il m'a envoyé le scénario, je ne connaissais absolument pas l’histoire d’Addi Bâ, mais seulement celle des tirailleurs sénégalais. J’ai trouvé extrêmement beau et intéressant de voir cet homme envoyé au front comme les autres, qui a été pris, est parvenu à s’évader, mais a surtout décider de résister. D'ailleurs, le mot "résistance" n’existait pas encore en 1939, car les gens ne savaient pas tout ce qui se passait. Lui a voulu se battre pour la liberté de la France. Avec d'autres, ils ont essayé de résister avec leurs petits moyens. C'était intéressant de voir aussi tout ce que le film raconte sur le monde d'aujourd’hui.

Quelle résonance avec aujourd'hui vous a justement le plus touchée?

Dans le film, on se rend compte que les gens ne comprennent pas vraiment pourquoi cet homme noir vient se battre pour la France alors qu’on est allé le chercher pour y aller. Nos Patriotes rappelle que la terre rassemble tout le monde, que si on veut se battre pour cette terre, cette liberté, peu importe la couleur de peau. L'important, c'est de se battre pour ça. Dans un monde où aujourd'hui, on ne cesse de faire des amalgames, je trouve ces résonances très fortes... Souvent, on a peur de l'étranger, car on ne le connaît pas. En France, il y a parfois des montées de racisme dans des endroits où ils n'ont jamais vu un étranger. La peur de l'autre, la non-connaissance, c’est ça qui est effrayant. Dans ce film, il y a ces messages.

Ce film a le mérite de réhabiliter la mémoire d'Addî Ba. Mais selon vous, le cinéma peut-il avoir vocation à changer les mentalités?

On ne fait pas du cinéma pour changer les mentalités, car c'est trop compliqué, on n'en a pas les moyens. On l’aura toujours un peu en tête même si bien sûr, on ne va pas changer les mentalités, car ce n'est pas un film qui fera que demain, les gens se diront: 'Ah oui, j’ai vu ce film, je vais changer mon vote'. On le souhaiterait tous, mais... Dans le cinéma, il faut aussi se méfier du "film à messages", mais c’est bien de le faire, car il restera quand même quelque chose.

"C'est intelligent et courageux pour Louane d'avoir choisi de tourner Nos Patriotes"

Avez-vous le sentiment d'être encore stigmatisée par le grand public comme une "actrice de comédie", notamment en raison du succès populaire de la série Un gars, une fille?

Non, c'est fini. Car Un gars, une fille, c'était il y a dix ans. Depuis, j’ai fait beaucoup de choses très différentes, notamment en télévision avec Une chance de trop et Après moi le bonheur. On a fait 8 millions de téléspectateurs avec Après moi le bonheur, donc ce sont 8 millions de personnes qui m'ont vue dans des choses dramatiques. Après, des films d’auteurs au cinéma, j’en ai faits. Mais le problème, c’est qu’au cinéma, ça ne rassemble que 200.000 personnes. C’est ça qui est dur. Des rôles comme ça, je préfère les faire à la télé, parce que ça a un impact plus fort malheureusement que le cinéma.

Comment expliquez-vous le renouveau des fictions françaises à la télévision, plus exigeante et de meilleure qualité ?

Le public a fait changer les choses. Après moi le bonheur, par exemple, c'est le genre de films qu’on accepte complètement à la télé, mais pas au cinéma. En France, on a réussi à bouger les lignes entre la télé et le cinéma. Mais les Américains et Anglo-saxons l'avaient fait depuis longtemps. Ici, ça a été très long. Avec Un gars, une fille, on a aussi été les premiers à vraiment passer de la télé au cinéma. A l’époque, tout le monde nous avait dit que si on faisait de la télé, c'était mort. Et aujourd’hui, ça commence à s’ouvrir, parce qu'on met aussi les moyens qu'il faut dans les séries pour qu'elles soient de qualité.

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Nos Patriotes est le deuxième film de Louane Emera au cinéma. La connaissiez-vous avant le tournage?

Absolument pas, même si je crois que ma fille et elle se connaissent plus ou moins par l'intermédiaire d'amis en commun. Evidemment, je l’avais vue dans La famille Bélier et je trouve intelligent et courageux pour elle d’aller dans un film comme Nos Patriotes, car c'est un genre très différent. Dans ce rôle, elle a gardé ce qu’elle est : sa maladresse, sa façon de parler, l’inconscience de sa jeunesse.

"Les attentats de Londres n'étaient pas très loin de chez moi. Ca m'a bouleversé"

Vous avez déclaré dans Psychologies que votre mère vous avait transmis son rêve et votre père, l'audace pour le réaliser. Que transmettez-vous justement à votre fille qui a fait ses premiers pas d'actrice?

Je ne l’encourage pas dans un métier artistique, je l’encourage surtout à trouver sa place. Qu’elle soit actrice, chanteuse ou tout ce qu’elle veut, ça m'est égal. Mais je lui rappelle que quand on veut faire quelque chose, il faut aller jusqu’au bout. Les gens peuvent avoir des rêves par rapport à ce métier, mais ce n'est pas un métier si facile. Trouver un casting, tourner dans un film aussi, c'est très long... Il faut durer, il faut vivre… Je ne crois qu’au travail, qu’à la volonté, donc si on veut faire quelque chose, il faut se donner les moyens. Et il faut penser que tous les matins, on va se lever pour ça, donc il faut être un peu motivé. Pour l’instant, ma fille se cherche encore, mais à 20 ans, elle a cette chance d’avoir déjà une petite passion. Autour de moi, j’ai pleins d’amis dont les enfants passent le Bac sans savoir ce qu’ils feront après. Le plus important, c'est de savoir pourquoi on veut faire ce métier. Il faut avoir des choses à dire. Si c'est juste pour être connue, ça ne sert à rien.

Vous habitez désormais à Londres, est-ce que vous étiez là-bas au moment de l'attentat du London Bridge?

Non, je devais m'y rendre et au dernier moment, je n’y suis pas allée. En plus, ce n'était pas très loin de chez moi, donc ça m’a bouleversé... Il y a eu Londres, Manchester, mais il y en a partout dans le monde. Même si je sais qu’il ne faut pas se laisser envahir par cette peur-là, cette noirceur-là, on se dit que ça peut revenir en France. Ca fait peur évidemment, et en même temps, on ne veut pas vivre dans la peur. Mais c’est terrible, surtout quand on a des enfants. Moi, je commençais à dire à ma fille: "Les concerts, laisse un peu tomber", "ne va pas trop sur les terrasses", etc. Et en même temps, qu’est-ce qu’il faut faire? Ce n’est pas la solution de dire ça. Mais c’est humain.

Vous avez déclaré avoir redécouvert, en vivant à Londres, le sentiment d’être "fière d’être française". Pour quelles raisons?

Je suis à Londres, mais je suis aussi beaucoup en France. Et je ne suis pas partie à Londres pour y payer mes impôts, je paye mes impôts en France et je suis ravie de les payer sinon on n’aurait pas d’école, de sécurité sociale, etc. Je fais partie de ceux qui sont ravis de payer des impôts… même si c’est beaucoup, mais c’est pas grave! (rires.) En fait, quand je retourne en France, j’ai l’impression qu'on est un peuple qui ne s’aime plus. Maintenant, ça va mieux mais avant, on faisait partie des seuls pays du monde où dès qu’on mettait un drapeau, d’un coup on était FN! Le drapeau français n’appartient pas au Front national, il appartient à la France. Quand on va à l’étranger, tout le monde regarde la France comme un pays de liberté, de force. C’est quand tu vas dans un pays étranger que tu es fier d’être français. Quand on est chez nous, on n'assume pas. On n’est jamais content. Ca fait peut-être partie de nous, mais parfois, ce serait bien de se rappeler qu’on est un chouette pays aussi...