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Cinéma

Adèle Haenel: "Distinguer Polanski, ça veut dire, 'ce n'est pas si grave de violer des femmes'"

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Trois mois après avoir relancé en France le débat sur violences sexuelles en accusant le réalisateur Christophe Ruggia, l'actrice évoque l'omerta qui persiste autour des violences faites aux femmes dans la société française.

En novembre dernier, Adèle Haenel secouait le monde du cinéma en accusant le réalisateur Christophe Ruggia de "harcèlement sexuel" et d'"attouchements" lorsqu'elle était mineure. Silencieuse depuis ses prises de paroles dans Mediapart, l'actrice de 31 ans vient d'accorder un entretien au New York Times. À cinq jours de la cérémonie des César, elle s'insurge contre les 12 nominations du film J'accuse, de Roman Polanski: 

"Distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire, 'ce n'est pas si grave de violer des femmes'", estime-t-elle. "À la sortie de J’accuse, on a entendu crier à la censure alors qu’il ne s’agit pas censurer mais de choisir qui on veut regarder. Et les hommes riches, blancs, rassurez-vous: vous possédez tous les moyens de communication."

Le réalisateur franco-polonais fait l'objet d'une dizaine d'accusations de violences sexuelles. La première affaire remonte à 1977, lorsqu'il a été accusé d'avoir drogué et violé Samantha Geimer, une adolescente de 13 ans. Il a reconnu un détournement de mineur avant de fuir vers la France pour éviter une potentielle peine de prison. En novembre dernier, la Française Valentine Monnier a assuré qu'il l'avait violée en 1975, lorsqu'elle avait 18 ans - ce dont il se défend

"Les pouvoirs publics tolèrent une marge de violence"

Interrogée sur la promesse d'Emmanuel Macron de faire de l'égalité femmes-hommes la "grande cause du quinquennat", l'actrice déclare qu'"il n'y a pas assez de moyens alloués pour changer la situation":

"On a dans le gouvernement actuel un représentant qui a été accusé par différentes femmes d’agressions sexuelles et d’abus de faiblesse", rappelle-t-elle, évoquant le ministre de l'Action et des comptes publics Gérald Darmanin - une plainte pour viol, classée sans suite, fait l'objet d'un nouvel examen depuis novembre

"La lenteur de la réactivité du gouvernement face au phénomène #MeToo laisse penser que les pouvoirs publics tolèrent une marge de violence sur les femmes. Cela reste dans une certaine mesure encore accepté", ajoute-t-elle. 

Après avoir accusé Christophe Ruggia dans Mediapart, Adèle Haenel avait porté plainte. Le réalisateur a été mis en examen pour agression sexuelle en janvier dernier. Il nie toute agression, mais reconnaît avoir "commis l'erreur de jouer les pygmalions". 

Benjamin Pierret