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Le Rouge et le Noir: l'oeuvre de Stendhal vs. l'opéra rock de Zazie

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Comparer ce qui n'est pas vraiment comparable, c'est l'idée de ce "match" entre le Rouge et le noir l'opéra rock et le classique de Stendhal.

D'un côté, un pavé de 504 pages toutes fines et écrites en corps 8 par un gars à rouflaquettes pas super rock'n roll au XIXe siècle. De l'autre un show variété-rock de trois heures co-écrit par Zazie et chanté par des anciens de The Voice.

Pour le lycéen qui doit se coltiner Le Rouge et le Noir de Stendhal, le choix est vite fait. Pourtant, si la seconde option semble avoir plus d'attraits, il aurait tort de se priver de cette lecture. On a vu le spectacle qui se joue au Palace à Paris depuis le 29 septembre et (re)lu le bouquin, dont le souvenir s'était un peu estompé et on a imaginé une sorte de "match", évidemment subjectif.

> La façon de planter le décor

Le livre

Stendhal a choisi de mettre le lecteur à l'épreuve dès le début du Rouge et le Noir. Seuls les plus persévérants et les fans de la Franche-Comté liront sans sourciller, ni sauter de lignes les 10 premières pages du bouquin, qui décrivent par le menu Verrières, sa faune, sa flore et sa géographie. "La petite ville de Verrières peut passer pour l’une des plus jolies de la Franche-Comté. Ses maisons blanches avec leurs toits pointus de tuiles rouges, s’étendent sur la pente d’une colline, dont des touffes de vigoureux châtaigniers marquent les moindres sinuosités. Le Doubs coule à quelques centaines de pieds au-dessous de ses fortifications, bâties jadis par les Espagnols, et maintenant ruinées". 

Le rouge et le noir, l'opéra rock.
Le rouge et le noir, l'opéra rock. © Anthony Ghnassia

L'opéra rock

Une habile scénographie, signée Laurent Seroussi et François Chouquet fait presque oublier la petite taille de la scène du Palace. Il n'y a quasiment aucun accessoire, tout le décor est projeté au mur. En trois coups de projecteurs, on est devant la maison de la famille de Rênal, devant un paysage, dans une église, une prison ou dans une bibliothèque. Et puis l'on découvre rapidement d'où vient la musique: la scène est coupée en deux et à l'étage supérieur joue un groupe de rock.

Le final du "Rouge et le noir, l'opéra rock", au Palace à Paris, le 29 septembre.
Le final du "Rouge et le noir, l'opéra rock", au Palace à Paris, le 29 septembre. © Magali Rangin

> Le héros

Le livre

Stendhal n'a pas épargné son héros. Julien Sorel est présenté comme un jeune homme orgueilleux, ambitieux, calculateur et sans scrupules. Plein de violence intérieure et de contradictions, il ne rêve que de quitter sa condition de fils de charpentier et déteste les riches.

L'écrivain le décrit ainsi, au début du roman: "C’était un petit jeune homme de dix-huit à dix-neuf ans, faible en apparence, avec des traits irréguliers, mais délicats, et un nez aquilin. De grands yeux noirs, qui, dans les moments tranquilles, annonçaient de la réflexion et du feu, étaient animés en cet instant de l’expression de la haine la plus féroce. Des cheveux châtain foncé, plantés fort bas, lui donnaient un petit front, et dans les moments de colère, un air méchant". 

L'opéra rock

Côme campe un Julien Sorel colérique et agaçant à souhait. Physiquement aussi, ça colle bien. Le jeune chanteur a le cheveu bouclé, la gaucherie enfantine et le teint romantique. Pour s'élever dans la société, Julien Sorel avait appris la Bible en latin par coeur, Côme a fait The Voice.

Côme incarne Julien Soriel dans "Le Rouge et le noir, l'opéra rock", au Palace à Paris, le 29 septembre.
Côme incarne Julien Soriel dans "Le Rouge et le noir, l'opéra rock", au Palace à Paris, le 29 septembre. © Anthony Ghnassia

> L'histoire

L'opéra rock est fort fidèle à l'histoire de Stendhal. Malgré quelques évidents raccourcis - le syndicat d'initiative de Franche-Comté va être déçu -, la chronologie est bien respectée et les principaux rebondissements sont là. Julien Sorel, fils du charpentier de Verrière, débarque chez Monsieur de Rênal, maire de la ville, pour enseigner le latin aux enfants. A la fois timide et orgueilleux - une sorte d'adolescent en somme - il tape pourtant très vite dans l'oeil de la sage Madame de Rênal (Haylen) qui n'a jamais connu l'amour. Mais les jaloux jalousent et leur histoire arrive aux oreilles de M. de Rênal. Julien s'exile à Paris et trouve un petit job de secrétaire chez le marquis de la Mole. Sa fille, la belle Mathilde (Julie Fournier) tombe elle aussi sous le charme. Et même un peu plus, puisqu'elle se retrouve rapidement enceinte. Le père est furieux, d'autant qu'il a reçu un lettre de Madame de Rênal qui balance tout. Julien se rend à Verrière et tire sur Madame de Rênal, en pleine église. "Il tira sur elle un coup de pistolet et la manqua ; il tira un second coup, elle tomba"...

Si vous avez un exposé sur la cristallisation, le seul spectacle risque d'être un peu léger quand même. Désolés, il va falloir se frotter à Stendhal, mais promis, vous ne le regretterez pas.

On ressort du spectacle en fredonnant "Vous l'ai-je dit belle dame/Je suis tombé d'un seul coup sous le charme/Vous avez mis le bonheur dans mon âme/Et mon coeur en émoi/Et vous?". Les chansons sont drôlement bien troussées, par Zazie et Vincent Baguian, les musiques de Sorel (compositeur au nom prédestiné) et William Rousseau diablement entêtantes. Mais la lecture du Rouge et le Noir risque de vous poursuivre et de vous habiter un peu plus longtemps.

> La fin (attention gros spoiler)

On ne va pas vous mentir, ça ne finit pas super bien, Le rouge et le Noir. Ni dans l'opéra rock, ni dans le livre.

Comme c'est un poil aride de terminer sur une décapitation, le spectacle s'achève sur une pirouette humoristique de Geronimo. Et puis à la fin tout le monde revient sur scène pour saluer et Julien Sorel a l'air drôlement en forme. La preuve, il chante encore.

Le livre, c'est autre chose. Stendhal n'épargne rien au malheureux lecteur, l'emmenant auprès de Mathilde, qui craque un peu et porte la tête de Julien sur ses genoux. Mais ce n'est pas tout. Le lecteur qui a réussi à ne pas vomir quand Mathilde embrasse le front de son époux est achevé par la dernière phrase, dont il ne se remettra sans doute jamais: "Mme de Rênal fut fidèle à sa promesse. Elle ne chercha en aucune manière à attenter à sa vie; mais trois jours après Julien, elle mourut en embrassant ses enfants".

le rouge et le noir, l'opéra rock se joue au palace à paris jusqu'au 31 décembre.

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Magali Rangin
https://twitter.com/Radegonde Magali Rangin Cheffe de service culture et people BFMTV