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Le monde du stand-up en émoi face aux accusations de plagiats

Gad Elmaleh, Malik Bentalha, Tomer Sisley et Jamel Debbouze: le YouTubeur CopyComic a mis en lumière des "emprunts" de blagues de ces humoristes à d'autres.

Gad Elmaleh, Malik Bentalha, Tomer Sisley et Jamel Debbouze: le YouTubeur CopyComic a mis en lumière des "emprunts" de blagues de ces humoristes à d'autres. - AFP - Montage BFMTV.com

Le Web et les réseaux sociaux mettent en lumière une pratique ancienne et connue, le plagiat ou l'emprunt de blagues dans le monde de l'humour.

Copy Comic a jeté un froid sur l'humour français. Dans l'univers du stand-up, le plagiat est loin d'être une nouveauté. Mais à l'heure d'internet, il a suffit de quelques savants montages pour secouer le milieu face à des pratiques qui ne font plus rire personne.

"Chaque spectateur a le droit de savoir ce pour quoi il paie lorsqu'il achète une place de théâtre entre 17 et 65 euros, ou un DVD à 30 euros, estime "Ben", l'internaute qui se cache derrière la chaîne YouTube CopyComic, mettant en évidence des emprunts entre comiques.

En début d'année, il a frappé un grand coup avec une vidéo montrant des similitudes importantes entre certains sketches de Gad Elmaleh et d'autres humoristes, souvent anglo-saxons comme Louis CK et son idole, Jerry Seinfeld. 

Au point de faire sortir de son silence le comédien, qui a répliqué dans une vidéo, sous les traits de son personnage fétiche Chouchou... sans revenir sur le fond du dossier. Mais après une réaction sur le ton de l'humour, Gad Elmaleh a finalement lancé ses avocats aux trousse de CopyComic. Dans un premier temps, ils ont obtenu de Twitter la suppression des vidéos en question, invoquant l'"atteinte aux droits voisins et non aux droits d'auteur". Mais les vidéos sont depuis réapparues sur le réseau social. 

Gad Elmaleh est loin d'être le seul à avoir été épinglé par CopyComic, qui met également en cause Tomer Sisley, Jamel Debbouze... 

De Fernand Raynaud à Robin Williams

Mais, connu à l'international et bientôt à l'affiche d'une série sur Netflix, Gad Elmaleh est le plus exposé. Un petit cabaret de Montréal, le Bordel Comédie Club, l'a même "banni de son établissement" pour "protéger les humoristes et les créateurs". 

"C'est fou comme on en a parlé ici", affirme Louise Richer, à la tête de l'Ecole nationale de l'humour, au Québec, qui forme depuis 31 ans des humoristes et auteurs... et prévoit des sanctions en cas de plagiat. 

En France, le sujet est abordé du bout des lèvres. Pourtant, le phénomène n'est ni une nouveauté, ni une spécialité locale: dans des genres très différents, Fernand Raynaud, Michel Leeb, Robin Williams et Amy Schumer ont tous été accusés, à un moment, de "voler des blagues" de confrères, sans que cela ne mette en péril leur carrière.

"Evidemment qu'on s'inspire de tout ce qu'il y a autour de nous", avait réagi Jamel Debbouze le 14 novembre 2017 sur RTL. "Evidemment qu'on est des éponges", avait-il ajouté, invoquant Molière, Gainsbourg et Bécaud, eux aussi accusés de plagiat en leur temps.

"Avant, ça se voyait moins"

Aux Etats-Unis, le comique et présentateur de télévision Conan O'Brian est actuellement poursuivi, au motif qu'il aurait utilisé, sans son accord, les blagues d'un certain Alex Kaseberg, mises en ligne sur son blog. Le procès est prévu fin mai. 

"Ce qui a changé la donne, c'est Internet. Tout se retrouve. Le plagiat se retrouve très vite", estime Jacques Mailhot, chansonnier depuis 1972 et propriétaire du Théâtre des 2 Ânes. "Avant, certains piquaient déjà des bribes de sketches. Mais ça se voyait moins".

La preuve, Ben de CopyComic dit s'appuyer sur sa mémoire, sa DVDthèque, mais aussi sur YouTube et les internautes lui faisant part de suggestions pour épingler les auteurs présumés de plagiat.

S'il déplore un manque d'éthique dans le stand-up, d'autres mettent en évidence un problème de créativité, alors que l'humour est partout: à la télévision, dans les matinales des radios, sur les plateformes de streaming et évidemment sur scène.

"C'est insupportable, ils font tous la même chose !", lance William Pasquiet, créateur en 1994 de l'Ecole du One Man Show à Paris.

"Ils font tous la même chose!"

"L'humour, c'est comme la mode, on peut avoir une famille dont on s'inspire, mais après il faut avoir son univers. Dès que quelqu'un me dit 'je veux être humoriste', je leur réponds 'n'imaginez pas que je fabrique ce qu'on voit à la télé'", affirme le professeur de théâtre.

Souvent vu de manière erronée comme une forme d'improvisation ou le fruit d'un talent inné, l'humour doit se travailler, plaident en choeur les professionnels. 

Pour Louise Richer, il est d'ailleurs temps de revaloriser les créateurs en humour (humoristes et auteurs) qui oeuvrent sur scène et en coulisses pour créer et peaufiner les textes.

Signe que la polémique CopyComic fait bouger les lignes: désormais, "il existe une vigilance et un soutien entre humoristes, non pour débusquer les copieurs mais pour s'assurer d'avoir le matériel le plus original possible", affirme-t-elle. Car "plus la création humoristique gagne en lettres de noblesse, plus le plagiat est vu négativement".

M. R. avec AFP