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Karl Lagerfeld et Yves Saint Laurent, éternels rivaux

Karl Lagerfeld et Yves Saint Laurent

Karl Lagerfeld et Yves Saint Laurent - Jacky Naegelen - AFP - Patrick Kovarik / AFP

Amis puis rivaux, Lagerfeld et Saint Laurent ont connu des destins parallèles.

Mort ce mardi 19 février à l'âge de 85 ans, Karl Lagerfeld a marqué l'histoire de la mode. Directeur artistique de la maison Chanel depuis 1983, il a longtemps été le grand rival d'Yves Saint Laurent. En mode, mais aussi en amour: ils ont partagé une passion commune pour le jet-setteur Jacques de Bascher, amant de Saint Laurent et compagnon de Lagerfeld pendant dix-huit ans jusqu'à sa mort du sida en 1989.

L'histoire commune d'Yves Saint Laurent et de Karl Lagerfeld commence à Paris le 25 novembre 1954. Ce jour-là, les deux hommes reçoivent, ex-aequo, le premier prix du "Secrétariat international de la laine". Lagerfeld surprend en dessinant un manteau jaune jonquille, décolleté dans le dos. Les deux hommes s'entendent et deviennent aussitôt amis. Lagerfeld a 18 ans, Saint Laurent 21. 

"Ce destin commun n'a d'autre issue qu'une opposition totale"

A partir de cette date, ils gravissent les échelons, mais pas avec le même éclat. Saint Laurent rejoint en tant que styliste chez Dior, puis prend la direction de la marque en 1957, avant de fonder sa maison en 1961, connaissant jusqu'aux années 1980 des succès éclatants.

Lagerfeld, de son côté, n'est pas encore le "Kaiser de la Mode". Il devient l'assistant de Pierre Balmain, avant d'être affecté à la direction artistique de Jean Patou en 1957, puis de Chloé de 1963 à 1984, mais aussi de la ligne prêt-à-porter Fendi, où il exerce depuis 1965.

Entre Saint-Germain des Prés et Saint-Tropez, matinées au Flore, dîners à La Coupole et soirées dans les boîtes gays, les deux couturiers sortent chacun entourés de leurs muses et amis. Les deux coteries deviennent rivales.

"Yves a triomphé à 21 ans, remportant un succès précoce et incontestable qui ne pouvait que rendre fou son rival. Jamais ces deux immenses talents concurrents ne pourront se satisfaire de partager le même plateau", a déclaré à La Presse Alicia Drake, autrice de Beautiful People: Saint Laurent, Lagerfeld, Splendeurs et misères de la mode. "Leurs ambitions sont trop proches pour supporter pareille proximité. Ce destin commun n'a d'autre issue qu'une opposition totale."

Couturier "mercenaire"

Lagerfeld a toujours revendiqué sa qualité de couturier "mercenaire" et préfère se mettre au service de plusieurs maisons comme Fendi et Chanel. "Le nom au-dessus de la porte, tout ça, je n'y tiens pas beaucoup", disait Lagerfeld dans le documentaire Duels. Il expliquait ainsi la différence avec Saint Laurent:

"A Hambourg, contrairement à Oran, si vous aviez une boutique avec votre nom au-dessus, vous étiez tout. C'était une espèce de snobisme qui devait être au fin fond de moi: vous pouviez être industriel, tout ce que vous voulez, banquier, mais pas boutiquier".

Après une vingtaine d'années d'amitié, Saint Laurent et Lagerfeld s'éloignent dans le courant des années 1970 à cause d'un homme: Jacques de Bascher. Si l'Allemand vit avec lui une relation amoureuse platonique, Saint Laurent vit, lui, une aventure aussi passionnelle que secrète avec Bascher. Une relation que n'a jamais digéré Pierre Bergé, qui en voudra toute sa vie à Lagerfeld.

"Son talent se place ailleurs"

Lorsque Lagerfeld devient directeur artistique de la maison Chanel en 1983, l'étoile de Saint Laurent commence à décliner, alors que le couturier est affaibli par la dépression, la consommation d'alcool et de drogues. Chez Chanel, Lagerfeld prend sa revanche, mais ne bouleverse pas comme Saint Laurent les codes de la mode en créant des pièces iconiques. "Son talent se place ailleurs", note Libération:

"Il a réhabilité, rajeuni (parfois à la ­limite du bon goût), globalisé, une maison naphtalinée à force de grands coups marketing. Il a notamment réinventé le statut de mannequin avec Inès de la Fressange - une égérie en contrat d’exclusivité, ce qui ne s’était jamais vu jusque-là - chargée de symboliser la Parisienne, la fameuse, que Coco Chanel avait érigé au rang de ­mythe."

Jérôme Lachasse avec AFP