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Hallyday, Trump, pédophilie dans l’Église… Philippe Geluck se lâche et commente ses nouveaux dessins

Phlippe Geluck

Phlippe Geluck - Joel Saget / AFP

Le dessinateur commente pour BFMTV plusieurs dessins issus de son nouveau livre, Geluck pète les plombs.

Philippe Geluck est de retour avec deux livres: Le Chat pète le feu, un best-of des aphorismes de son célèbre personnage, et Geluck pète les plombs, recueil de ses dessins parus dans Siné Mensuel. Viré de Charlie Hebdo en 2008 après des accusations d'antisémitisme dont il a été exonéré, Siné avait créé dans la foulée son propre journal et contacté le dessinateur belge pour dessiner "autre chose que le Chat et que je me lâche", se souvient Geluck.

En dix ans, Geluck a effectivement produit des dessins beaucoup plus grinçants, noirs et insolents que ceux du Chat: "J’ai révélé toute une part de moi qui n’est pas forcément perceptible dans le Chat", confirme-t-il. Dans Geluck pète les plombs, il s’attaque ainsi à Donald Trump, la crise migratoire, la mort de Johnny Hallyday, la déforestation…

De son propre aveu, personne ne pourra être d’accord avec tout ce qu’il a écrit et dessiné dans ce livre - même lui: "Je ne donne pas mon vrai avis tout le temps. Parfois, oui, j’exprime une indignation. Mais parfois, je pars sur un terrain où je veux juste mettre mal à l’aise pour qu’on réfléchisse à certaines problématiques." Ceci étant posé, il a accepté de commenter quelques dessins de son nouveau livre.

Philippe Geluck
Philippe Geluck © Geluck Casterman 2018

Les grandes migrations

"Ce dessin a été fait après l’attentat manqué du Thalys. On y voit des migrants comme il en arrive encore maintenant, des Français qui fuient la fiscalité française, des Américains qui fuient les tueries par arme à feu comme il y en a chaque année aux Etats-Unis, des Européens qui fuient l’Europe car il y a trop de réfugiés… C’était les embouteillages de la rentrée. C’est un dessin d’humour, mais à l’humour un peu grimaçant, triste. Il ne provoque pas un éclat de rire. On peut le lire comme une histoire: alors qu’il y a une grande confusion dans ces mouvements de bateaux, j’espère qu’il apporte de la clarté sur les raisons de fuir un pays, qui ne sont pas toutes aussi légitimes que les autres."

Hommage à Cavanna
Hommage à Cavanna © Geluck Casterman 2018

Hommage à Cavanna, un des fondateurs de Charlie Hebdo

"J’aime bien ce dessin. J’en ai fait plusieurs. J’en ai fait un autre où je tenais le crâne de Cavanna qui avait aussi une moustache gauloise. Il lui disait, comme Hamlet qui parle au crâne: “Au moins, toi, tu n’es pas triste.” C’était une autre manière de lui dire que je l’aimais. Pour rendre hommage à un type pareil, ça ne peut se faire qu’à travers une connerie. On ne va pas commencer à faire aux humoristes des épitaphes sérieuses. Le Chat lui doit beaucoup. Il l’aimait et était venu voir mes expos. J’ai dit à Siné comme à Cavanna de leur vivant que je les aimais et que je les admirais. Il ne faut pas attendre que les gens soient partis pour sortir du bois."

Geluck
Geluck © Geluck Casterman 2018

La pédophilie dans l’Église

"C’est un dessin fait à l’occasion de l’anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl. C’est peut-être mon dessin préféré, parce qu’il est juste odieux, parce que j’y évoque une des turpitudes les plus abjectes que je puisse imaginer et que je suis dégoûté que l’Eglise continue d'essayer de protéger certaines de ses brebis galeuses en refusant parfois de les confronter à la justice des hommes et en prétendant que c’est une affaire entre l’Église et ses employés.

Non, on vit dans des pays où la loi est la loi et où la loi religieuse vient très loin derrière. Donc, il n’y a rien à faire, ces salopards, il faut les foutre en taule, les présenter à la justice et qu’ils payent à la société d’une façon ou d’une autre le mal qu’ils ont fait puisqu’on sait que les enfants qui ont été abusés par qui que ce soit ne s’en remettent jamais et que ces gens qui font la morale à tout le monde ont bousillé des milliers de vies à travers la planète. Les scandales sont généraux en Irlande, au Portugal, en Italie, aux Etats-Unis, en France à Lyon et dans d’autres villes. Et il faut bien penser à tous les endroits où on ne le sait pas."

La déforestation
La déforestation © Geluck Casterman 2018

La déforestation

"Voilà typiquement un dessin dans lequel je donne un rôle important au lecteur. À lui de l’interpréter. J’aime bien les dessins dans lesquels tout ne se passe pas dans le temps du dessin. Ici, on pense à l’instant d’avant, quand on a commencé à déboiser ces collines, et à celui d’après: est-ce qu’on va replanter ou construire des terrains de foot comme on le fait en Amazonie? Cet arbre qui cache la forêt, c’est tout ce qu’on n’a pas vu et qu’on aurait dû voir. Et là, il est un peu trop tard.

Cela fait 35 ans que je pense à rendre intemporels mes dessins. Ce n’était pas simple, car c’est rassurant de pouvoir s’appuyer sur des faits d’actualités, parce qu’on a un sujet autour duquel on peut tourner en essayant de trouver un angle humoristique. Le dessin intemporel, il faut le pondre de rien du tout - ou alors raccrocher du temporel à de l’intemporel. Le déboisement, la nature en péril, est une chose qui hélas est pérenne. Les dessins sur Trump et Johnny, forcément, dans 50 ans, ne vont plus parler à mes lecteurs."

Trump par Geluck
Trump par Geluck © Geluck Casterman 2018

Donald Trump

"Je fais un dessin vulgos sur un personnage qui l’est encore plus. Mon rôle est d’aller au-delà de la connerie de Trump. Là, il chie sur la planète, mais c’est vraiment ce que j’ai ressenti quand il a quitté les accords sur le climat et raye d’un trait de plume les plutôt bonnes choses mises en place par Obama. Ce n’est pas le dessin le plus subtil, mais ce n’est pas non plus la décision la plus subtile et mon dessin est à l’image de lui: c’est-à-dire une tête de cul, qui montre ses fesses et chie sur la planète en sifflotant. C’est un dessin militant. Je n’en fais pas beaucoup. J’essaye toujours de conserver ce mystère: ‘Qu’est-ce que je pense vraiment?’ Ici, je le dis noir sur globe. Je pense que c’est un malfaiteur de l’humanité."

Johnny par Geluck
Johnny par Geluck © Geluck Casterman 2018

Johnny Hallyday

"Je suis un petit peu heurté - un petit peu est un euphémisme - par ces hommages nationaux rendus en quelques mois à deux grands fraudeurs fiscaux: Aznavour et Johnny. Je trouve ça indécent de la part d’un pays qui devrait se battre contre l’évasion fiscale de déposer un drapeau tricolore sur le cercueil de gens qui ont volé le peuple français. Ce sont deux grands artistes, mais de quel droit on vole le contribuable? Si on arrivait à juguler la fraude fiscale en Europe, il n’y aurait plus de dette et tout le monde aurait un emploi, payé correctement. Johnny, l’homme, me touchait. Je l’ai rencontré plusieurs fois. Il est craquant. Il paraît qu’il se faisait offrir Le Chat chaque année pour Noël. Il était un grand fan. Il a toujours été adorable avec moi. L’homme était formidable, l’artiste éblouissant. C’est juste le contribuable qui m’énerve un petit peu."

Geluck pète les plombs, Casterman, 144 pages, 20 euros / Le Chat pète le feu, Casterman, 48 pages, 11,95 euros.
Jérôme Lachasse