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Coronavirus: quand pourront reprendre les festivals et les concerts?

Le festival Glastonbury en 2019

Le festival Glastonbury en 2019 - Oli SCARFF - AFP

Alors que les "petits festivals" pourront se tenir à partir du 11 mai, le secteur du spectacle vivant s'interroge sur son avenir.

Outre-Atlantique comme en France, la vie ne va pas reprendre comme d'habitude dès la levée des mesures de confinement. Le maire (démocrate) de Los Angeles, Eric Garcetti, a ainsi déclaré ce mercredi soir sur CNN que "les grands rassemblements tels les concerts et les événements sportifs ne seront pas organisés dans la ville pendant au moins un an." Une décision prise alors que le confinement a été durci en Californie et que l'épidémie continue de se propager aux Etats-Unis, désormais le pays le plus endeuillé par le Covid-19.

Vue de France, où un déconfinement progressif est prévu à partir du 11 mai, cette annonce inquiète. Et pourrait devenir réalité, à en croire les avis de plusieurs professionnels du secteur recueillis par BFMTV. Si les "petits festivals" pourront bien se tenir après cette date, assure le ministre de la Culture Franck Riester, les Zéniths et les stades ne devraient pas rouvrir avant l'année prochaine. Il faudra attendre 2021 pour assister aux tournées mondiales de Paul McCartney, Céline Dion ou Elton John, toutes interrompues en raison de la pandémie.

Pour l'heure, le gouvernement français réfléchit à un plan conçu avec Jean Castex, le "Monsieur déconfinement" designé par l'exécutif. Prévu d'ici deux semaines, il doit permettre de définir avec précision ce qui constitue un "petit festival". Un texte publié au Journal Officiel est aussi en discussion, selon nos informations.

Pourraient ainsi être autorisés plusieurs manifestations comme le Saint-Etienne Live (jauge de 10.000 personnes, du 12 au 17 mai, en extérieur), Les 3 Éléphants à Laval (jauge de 5.000 personnes, du 14 au 16 mai, en extérieur), le festival Magic Bus à Grenoble (jauge de 3.000 personnes, du 14 au 16 mai, en extérieur) et Le Beau Festival (jauge de 120 personnes, du 14 au 16 mai, à la Boule noire).

"Impossible de rattraper ce retard"

Mais malgré les annonces du gouvernement, rien ne permet de prédire avec certitude une reprise rapide, car plusieurs obstacles persistent. La communication des événements a été suspendue dès le début du confinement. "Toutes les billetteries de festivals sont à l'arrêt depuis de nombreuses semaines et il serait impossible de rattraper ce retard", explique à BFMTV Yann Bieuzent, qui gère le festival des 3 Éléphants.

La majorité des "petits festivals" se déroulent dans des salles, ce qui rend difficile leur tenue. Un autre problème se pose pour les festivals en extérieur: même les "petits" attendent souvent plusieurs milliers de personnes. "Je pense que l'opinion publique ne comprendrait pas à l'heure actuelle qu’un festival de 5000 personnes puisse avoir lieu", complète Yann Bieuzent.

Un autre argument est le financement, souvent mutualisé entre plusieurs festivals, de la venue d'artistes étrangers. Si un grand festival annule son édition, l'artiste pourrait ne pas se déplacer car ses frais ne seraient plus couverts à 100% - et le "petit festival" perdrait au passage son concert. Un effet domino qui pourrait être ravageur.

Reste la grande inconnue: la réaction du public. Reviendrait-il si tôt après la levée du confinement, et alors que l'épidémie est appelée à perdurer? "L’après coronavirus nous interpelle: (...) est-ce qu’on va consommer de la même manière? Est-ce que les gens auront du pouvoir d’achat? Est-ce qu’ils auront envie d’aller dans des endroits clos avec des gens qu’ils ne connaissent pas?", s'interroge sur BFMTV l'humoriste Fary, qui a ouvert l'année dernière son propre "comedy club" à Paris, Madame Sarfati.

L'angoisse est réelle pour les professionnels. Et tous ont en tête l'exemple des cinémas de Chine qui ont rouvert il y a quelques semaines avant d'être rapidement fermés: les salles étaient vides, malgré une offre alléchante de blockbusters américains et de classiques... 

"Je pense qu'on aura tous un appétit de vivre"

Conscient de la difficulté, voire de l'impossibilité de rouvrir ses salles dans les prochaines semaines, Jean-Marc Dumontet, directeur de six théâtres parisiens, se veut optimiste et n'envisage pas un tel phénomène en France. "C'est le travail d'une année qui s'échappe et qui s'enfuit. Une fois qu'on l'a dit, qu'on le vit, ça ne sert pas à grand chose de le ressasser. Il faut penser au rebond", a-t-il déclaré ce jeudi sur BFM Paris.

"La difficulté qu'on rencontre tous, c'est qu'on ne sait pas quand ce rebond se produira. Mais il se produira!", ajoute le producteur, qui indique avoir "une rentrée à préparer, même si elle est incertaine et un peu imprévisible":

"On sait que notre échéance est à quelques semaines, à quelques mois. Ce n'est pas au 11 mai pour nous. Ce qu'on souhaite ardemment, c'est que début septembre nos salles puissent rouvrir - peut-être un peu avant, sans doute - mais qu'on ait eu le temps de travailler, de proposer aux spectateurs les meilleurs spectacles. Si on a de très bons spectacles, je suis convaincu que les spectateurs reviendront. (...) Je pense qu'on aura tous un appétit de vivre. On se rendra compte à quel point on avait de la chance de vivre normalement avant. On aura envie de renouer avec ces temps heureux." 

C'est aussi le pari du théâtre de l'Odéon à Paris. "Suite aux annonces du président de la République concernant les théâtres et la limitation des grands rassemblements publics jusqu'à mi-juillet au moins, toutes les représentations de l’Odéon sont annulées jusqu'à la fin de la saison, le 30 juin", annonce Stéphane Braunschweig, le directeur de l'Odéon, dans un communiqué. Il doit sacrifier la moitié de sa saison 2019-2020, dont France FantômeLa Double InconstanceBerlin mon garçon et Les Idoles:

"C’est un déchirement pour nous, et plus encore pour tous les artistes qui ne pourront partager avec vous leur travail", précise encore le texte. "Je leur adresse ici mon soutien affectueux en m’engageant à les accompagner au mieux dans cette période [...] Afin de pouvoir reporter à la saison prochaine, quand cela sera possible, les spectacles annulés, nous devons aujourd’hui prendre le temps de repenser notre programmation pour 2020-2021 : nous espérons pouvoir vous dévoiler la nouvelle saison au début du mois de juin."

Tout un calendrier à revoir

Au-delà de la crise économique que traversent les salles et les artistes se pose aussi la question du calendrier. Les saisons culturelles sont à cheval sur deux années. Avec le confinement, il faut tout revoir. "Dans les entreprises culturelles, une année civile, c’est la fin d’une saison et le début d’une autre ; c’est donc sur la saison 2020-2021 et celle d’après - dans le meilleur des cas - que se répercutera ce printemps désastreux", détaille dans Marianne l'acteur et metteur en scène Thomas Jolly, qui dirige le Centre Dramatique National Le Quai d'Angers. Il ajoute:

"Des spectacles qui auraient dû être créés ce printemps vont-ils être prêts à temps pour jouer chez nous la saison prochaine? Les tournées seront-elles maintenues malgré le manque d’exposition, alors qu’on sait que plus une création est jouée, plus la presse en parle et plus les professionnels se déplacent ; moins c’est le cas, moins le spectacle peut vivre longtemps..."

En attendant le déconfinement, les artistes multiplient d'imagination pour trouver des alternatives et continuer d'embellir la vie des Français en proposant notamment des concerts gratuits sur les réseaux sociaux.

Jérôme Lachasse avec Jean-Marie Marchaut