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Après la mort d'Albert Uderzo, quel avenir pour Astérix?

Albert Uderzo entouré d'Obélix et Astérix en 2015.

Albert Uderzo entouré d'Obélix et Astérix en 2015. - Patrick Kovarik - AFP

Les aventures d'Astérix et Obélix devraient continuer après la mort d'Albert Uderzo avec Didier Conrad et Jean-Yves Ferri. Mais Uderzo, en bon irréductible Gaulois, a longtemps été réfractaire à cette idée.

Avec la mort d'Albert Uderzo, c'est une page de l'histoire du 9e Art qui se tourne. Alors que le co-créateur d'Astérix rejoint son vieux complice René Goscinny, une question reste en suspens: que va devenir Astérix, dont la dernière aventure, La Fille de Vercingétorix, s'est écoulée l'an passé à plus d'un million et demi d'exemplaires en France?

Les aventures du plus célèbre des Gaulois se poursuivront, a confirmé Anne Goscinny dans Le Figaro: "La troisième vie d’Astérix avait déjà commencé en 2010, quand Jean-Yves Ferri et Didier Conrad avaient repris les personnages, pour relancer l’aventure avec Astérix chez les Pictes, sortie en 2013. Mais je me souviens qu’à cette époque, Albert avait soutenu ces deux repreneurs comme une sorte de figure tutélaire. Il sera désormais leur tuteur céleste…" 

"J'ai toujours pensé que le personnage était suffisamment fort pour survivre à ses auteurs", avait-elle également déclaré en 2013 dans Le Monde.

"Je trouve qu’Hergé a eu une fierté un peu idiote"

Si Albert Uderzo continuait de superviser la conception de chaque nouvelle histoire, une de ses dernières interviews, accordée au Parisien, avait semé la zizanie. En novembre 2018, il avait ainsi assuré que Astérix devait disparaître après sa mort: "Je ne veux pas laisser Astérix entre d'autres mains après ma disparition. Je n'ai pas envie de prendre le risque de tout fiche en l'air, de faire n'importe quoi pour de l'argent." Des propos qui avaient ensuite été démentis par Uderzo et Anne Goscinny.

La position d'Albert Uderzo, ces dernières années, était claire et connue de tous. Longtemps réfractaire à l'idée de confier ses personnages à d'autres dessinateurs, il avait changé d'avis: "Je trouve qu’Hergé a eu une fierté un peu idiote. La transmission de génération en génération se perd", avait-il indiqué au Figaro en 2010

"J’avoue que longtemps, un peu à la manière d’Hergé pour Tintin, je n’ai pas souhaité qu’il y ait de nouvelles aventures après ma mort. Je me rends compte aujourd’hui que c’était une erreur", avait-il également ajouté. "Je crois que la fille de René Goscinny, Anne, pensait la même chose, mais n’osait pas me le dire. Elle a été soulagée que je fasse ce choix. Je sens bien que mon héros est plus fort que moi."

"J'ai fait un pari idiot: tant pis, je vais continuer la série!"

En 1977, terrassé par la mort de Goscinny, Uderzo avait envisagé de mettre un terme à la série. Il lui avait fallu deux ans pour "se ressaisir" et terminer Astérix chez les Belges, raconte-t-il dans le livre d'entretiens Uderzo, l'irréductible: "Je me suis dit, 'Zut, quand même, je pense que j'ai mon mot à dire dans cette affaire!' Et j'ai fait un pari idiot: tant pis, je vais continuer la série!" Modeste, il doutait de ces capacités à bâtir un scénario à la hauteur de ceux de Goscinny. Il prenait d'ailleurs plus de temps pour achever ses albums, n'en réalisant que cinq entre 1980 (Le Grand fossé) et 1991 (La Rose et le Glaive).

Uderzo a failli jeter l'éponge. En 1994, débouté du procès l'opposant aux éditions Dargaud, qu'il accusait ne pas respecter le droit des auteurs, Uderzo avait déclaré sous le coup de la colère dans Le Monde: "À partir de maintenant, j'arrête toute production d'Astérix. Je suis fatigué. Je disais ne jamais vouloir prendre de retraite, j'en sens la nécessité aujourd'hui: je ne parviens plus à travailler. Mon métier, c'est amuser les lecteurs, je ne pourrais plus continuer maintenant comme avant."

Il s'était ravisé et avait sorti en 1996 La Galère d'Obélix, puis Astérix et Latraviata (2001) et Le Ciel lui tombe sur la tête (2005). L'irréductible réfractaire avait fini par se rallier à la cause d'Anne Goscinny dans les années 2010. Après avoir fait le don à la BNF de 120 planches originales de Astérix le Gaulois et La Serpe d'or, il avait cédé sa place à Conrad et Ferri, désormais papas d'adoption d'Astérix et Obélix.

Jérôme Lachasse