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Les Français, c'est les autres: "Ce sont les blonds aux yeux bleus", lance un lycéen de banlieue

"Les Français, c'est les autres", documentaire d'Isabelle Wekstein-Steig et Mohamed Ulad.

"Les Français, c'est les autres", documentaire d'Isabelle Wekstein-Steig et Mohamed Ulad. - France 2

L'avocate Isabelle Wekstein-Steig et le cinéaste Mohamed Ulad se sont unis pour réaliser un documentaire sur la question identitaire chez des lycéens issus de l'immigration. Le film a été diffusé mercredi soir sur France 2 et reste disponible jusqu'à mardi sur francetvpluzz.

"Ce qu'on voulait, c'est leur donner la parole et que les politiques puissent constater ce qu'il s'y passe", explique Isabelle Wekstein-Steig. L'avocate s'est associée à Mohamed Ulad pour réaliser un documentaire sur des élèves d'un lycée de Noisy-le-Sec. Ruth Elkrief a reçu mardi soir sur BFMTV les auteurs de Les Français, c'est les autres qui a été diffusé mercredi soir sur France 2. Il peut encore être vu jusqu'à mardi sur francetvpluzz.

Un établissement de 900 élèves avec pas moins de 46 nationalités d'origine, dont beaucoup de Maghrébins et d'Africains. Pourtant, malgré cette diversité, le sentiment de ghettoïsation prédomine. Une scène résume bien la situation: les réalisateurs demandent aux élèves qui a la nationalité française. La classe entière répond à l'appel. Mais à la question "qui se sent français?", une seule lycéenne se manifeste. "Ecoutez, dans ma tête je suis blanche", assure la jeune fille noire. On lui demande alors si pour être français, il faut être blanc: "Oui, c'est ça", acquiesce-t-elle. Un de ses camarades explique: "Je sens en moi que je ne suis pas entièrement français". Comment se définit-il alors? "Noir".

"Les Français ce sont les blonds aux yeux bleus"

Pour l'ensemble de la classe, le sentiment qui prédomine c'est qu'il y a deux catégories de Français, "les vrais blancs, les Français", et "les autres qui ont la nationalité française mais qui ne sont pas français". La classification est même plus pointue: "Les Français ce sont les blonds aux yeux bleus qui n'ont jamais rien fait, qui sont propres", affirme un lycéen.

Les documentaristes reconnaissent que cette scène a été "un moment dur qui montre à quel point ils ont intégré des préjugés dont ils sont victimes". Selon eux, il faut comprendre que ce sont des jeunes qui subissent le racisme et la discrimination au quotidien. "On ne dit pas cela pour les exonérer de toute responsabilité", tient à préciser Isabelle Wekstein-Steig, "mais ce qui ressort c'est que ces jeunes ne veulent pas d'une communauté qui les rejette". Pour Mohamed Ulad, c'est même un mécanisme classique de la victime qui reprend à son compte le discours du bourreau.

"C'est dur mais c'est la réalité"

Le cinéaste rapporte qu'au départ, ils voulaient travailler sur les préjugés, mais le sujet de l'identité s'est finalement imposé. "Ce qui nous a le plus révoltés, c'est une jeunesse qui s'extrait de la communauté nationale", confie Mohamed Ulad. Les lycéens ne se limitent pas à cette exclusion, ils sont aussi victimes et auteurs de préjugés et d'insultes entre eux. "C'est dur mais c'est la réalité. Parfois, on sortait des séances, on était déprimés", avoue le réalisateur. Pour ces jeunes, le vrai racisme c'est le blanc qui rejette le noir mais le racisme entre noirs et arabes n'est pas considéré comme du racisme.

Le film met aussi en lumière le désarroi de certains enseignants qui ont assisté impuissants à la dérive islamiste. Le phénomène s'est construit sous leurs yeux dans leur classe. La théorie du complot et Internet sont venus noircir le tableau. Face à ces dérives, Mohamed Ulad est pessimiste. "Je ne dirais pas que c'est trop tard, parce qu'il n'est jamais trop tard mais il faut un plan Marshall. Il faut que les politiques prennent leurs responsabilités pour qu'ils se rendent compte du chantier énorme", insiste-t-il.

Elise Maillard