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Cinéma

Sexisme dans le cinéma français: le ras-le-bol des actrices et réalisatrices

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En France comme à Hollywood, la parole se libère pour raconter le sexisme qui règne dans le milieu du cinéma, à tous les niveaux. Adèle Haenel, Fanny Herrero ou encore Virginie Effira en témoignent.

Réalisatrices, actrices, et même acteurs... A l'instar des stars de Hollywood, le monde du cinéma français s'exaspère du sexisme ambiant. Télérama leur a offert une tribune sur son site et consacre cette semaine un dossier au sexisme à Hollywood. Tous y racontent aberrations et frustrations, et témoignent du peu de crédit accordé aux femmes.

Comme Fanny Herrero, scénariste notamment de la série Dix pour cent, qui explique: "Il y a beaucoup de femmes scénaristes. Mais, si l’on regarde les postes à responsabilités, il y en a moins. On trouve soit des hommes, soit des binômes homme/femme", souligne-t-elle. Ce que confirme Magaly Richard-Serrano, réalisatrice. "Si on engage une femme, on lui colle un mec pour la “paterner” un peu, au cas où elle serait débordée". "Les gros budgets sont très rarement confiés aux réalisatrices", assure également la cinéaste Charlotte Brändström, qui a travaillé en France mais aussi aux Etats-Unis, sur les séries Arrow et Grey's Anatomy. Pour la réalisatrice Catherine Corsini, "on pardonne beaucoup moins à une femme de rater un film".

"Tu sais te servir de ça, toi?"

Le sexisme, s'il est assez latent et insidieux derrière la caméra, frappe de façon beaucoup plus flagrante les actrices. "Pourquoi un homme de 50 ans serait systématiquement en couple avec une femme de 35?", s'indigne Fanny Herrero. Aux Etats-Unis, Maggie Gyllenhaal en a fait les frais, se voyant refuser un rôle, sous prétexte qu'à 37 ans, elle était "trop vieille", pour incarner la partenaire d'un homme de 55 ans. 

Virginie Effira, l'héroïne de Vingt ans d'écart, regrette, elle, que le rôle n'ait pas été tenu par une femme un peu plus âgée. Elle n'avait en effet que 35 ans lorsqu'elle a incarné cette femme de 38 ans. "Le réalisateur m’a avoué avoir proposé le rôle à des actrices plus âgées qui l’avaient refusé: elles étaient mal à l’aise avec le fait que leur âge soit mis en évidence de cette façon. Au risque d’entraver l’image qu’on avait d’elles". L'actrice estime pour sa part que c'est aux femmes en premier lieu de changer de regard. "Que ce soit au cinéma ou dans la vie, moi, je pense que c’est aux femmes de porter un autre regard sur elles-mêmes et ne pas se soumettre à ces diktats".

Mais rien n'est moins simple, lorsque le regard qui est porté sur les femmes reste paternaliste ou même méprisant. Surtout dans les métiers plus "techniques", comme le raconte la mixeuse Mélissa Petitjean, César du meilleur son pour Michael Kohlhaas. "Un jour, le producteur du film sur lequel je travaillais entre dans l'auditorium, regarde ma console de mixage et me dit: 'Tu sais te servir de ça, toi?' Je lui ai répondu qu'il valait mieux pour lui…"

"Paternaliste de merde"

Un paternalisme qu'Adèle Haenel dénonce en des termes plus directs: "Dans ce métier, il y a toujours des 'ah, j'aimerais bien te faire un bisou', ce genre de truc paternaliste de merde". Pour la comédienne, César de la meilleure actrice en 2015, pour Les Combattants, "c'est le discours qu'il faut changer! Sinon on va continuer à dire: 'Ah c'est dingue, il y a 20% de femmes qui font des films', mais en fin de compte ça reste structurel. Nous restons obligées de savoir que nous sommes des femmes, comme les Noirs, en France, sont obligés d'avoir conscience qu'ils sont noirs".

Comme Adèle Haenel qui en a "marre" du "cinéma blanc et masculin", la réalisatrice Catherine Corsini estime que "les décideurs du cinéma restent masculins, parisiens, blancs et bourgeois". Un cinéma fait par des hommes pour des hommes.

"C'est toujours l'homme qui fait rire et la femme qui rit"

Une situation dont s'agacent les acteurs aussi. Gilles Lellouche, qui a joué dans Infidèles, regrette ainsi l'aspect caricatural des rôles qui sont offerts aux femmes dans les comédies françaises. ''C’est flagrant: les femmes sont soit des potiches soit des castratrices. Dans la comédie française, c’est toujours l’homme qui fait rire et la femme qui rit. Le cinéma est bourré de stéréotypes.''

Et si les lignes bougent, avec de jeunes réalisatrices comme Céline Sciamma, le cinéma français, comme à bien des égards la société en général, reste un monde d'hommes.

M. R.