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Cinéma

Phantom of the Paradise: ce qu'il faut savoir sur le film culte de Brian de Palma qui a inspiré Daft Punk

"Phantom of The Paradise", de Brian de Palma

"Phantom of The Paradise", de Brian de Palma - 1974 Harbor Productions. Inc. renouvelé - 2002 Harbor Productions. Inc.

Le distributeur Carlotta ressort dans une version restaurée Phantom of the Paradise, relecture rock des mythes de Faust, de La Belle et le Bête et du Fantôme de l'Opéra par le réalisateur de Scarface.

L'expression, galvaudée, de "film culte" a sans doute été inventée pour Phantom of the Paradise. Réalisée par Brian de Palma (Scarface, Les Incorruptibles), cette relecture rock des mythes de Faust, de La Belle et le Bête et du Fantôme de l'Opéra a connu plusieurs vies. Grâce au distributeur Carlotta, le film est disponible depuis le 12 avril dans une édition DVD/Blu-Ray qui lui redonne son éclat

Comme pour tout film culte, les origines du Phantom of the Paradise sont multiples. Brian de Palma raconte qu'il aurait eu l'idée dans un ascenseur, en écoutant une reprise des Beatles en muzak: "Ils prennent une oeuvre magnifique et originale et ils en font une musique d'ascenseur", déclare-t-il dans les bonus du DVD. Une autre explication serait l'expérience traumatisante de Brian de Palma lors du tournage d'un film précédent, Get to Know Your Rabbit, où le cinéaste a vu son film être charcuté par les grands studios hollywoodiens. 

Phantom of the Paradise mêle ces deux expériences en racontant comment l'industrie musicale repère de jeunes créateurs naïfs et prometteurs, puis les dépossèdent de leurs idées. Et les broient. Littéralement: le personnage principal du film, Winslow Leach, a le visage compressé dans une machine à fabriquer de vinyles en essayant de saboter le label musical qui l'a volé. Défiguré, il dissimule son visage derrière un étrange masque d'oiseau et préparer sa vengeance contre le mystérieux Swan, responsable de tous ses maux.

Des problèmes juridiques et de marketing

Avant que Phantom of the Paradise ne soit reconnu comme un film majeur des années 1970, la route fut longue et mouvementée. Le livre Dr. Brian and Mr. de Palma, qui accompagne le DVD distribué par Carlotta, lève un coin du voile sur cette histoire. Entre autres anecdotes de casting et des essais de spécialistes de l'oeuvre de Brian de Palma, on apprend notamment que le cinéastes et les producteurs du long-métrage furent poursuivis par trois sociétés: Universal, King Features (dont l'un des comics s'appelaient Phantom) et Atlantic Records.

Cette dernière n'avait guère apprécié que le label créé par le personnage de Swan s'appelle Swan Song Enterprises. Un nom trop proche, selon eux, de leur label Swan Song Records. "Ce n'est jamais prononcé, mais on voit les mots 'Swan Songs'", raconte Brian de Palma dans une interview de 1973 retranscrite dans Dr. Brian and Mr. de Palma. "Nous avons donc été obligés de les enlever ou de les remplacer, en post-production, grâce à des trucages optiques".

Phantom of the Paradise n'a pas rencontré un grand succès lors de sa sortie américaine. En cause différentes campagnes marketings qui ont tenté, successivement, de vendre le film auprès d'un public jeune et fan de rock (alors que le film s'en moque), puis d'amateurs d'épouvante (alors que le film est avant tout une satire). A cet effet, une des affiches de Phantom of the Paradise fut peinte par le maître de l'horreur Richard Corben d'après un croquis de Neal Adams, auteur notamment de Batman.

Couverture du DVD
Couverture du DVD © Carlotta

Un génie incompris

Malgré son insuccès aux Etats-Unis, Phantom of the Paradise remporta le Grand Prix du festival du film fantastique d'Avoriaz en 1975. Il rencontra également un succès retentissant au Salvador, tenant l'affiche de nombreux mois avant de séduire de nouvelles générations de spectateurs dans les années 1980, puis 2000. Mélange d'opéra rock et de farce burlesque saupoudré de références hitchcockiennes, Phantom of the Paradise aurait même inspiré à Daft Punk l'idée de se dissimuler derrière un masque... 

En 1973, Brian de Palma explique que ses films ont été soit mal reçus, soit peu distribués et tous oubliés: "Mon talent n'est pas reconnu encore à sa juste mesure", dit-il avec humilité. Ainsi s'écrivent les pages d'une légende du 7ème Art et d'un génie incompris qui a consacré un film sur un génie incompris qui se venge. Jolie mise en abyme de la part d'un réalisateur qui a aussi déclaré: "Il y a pire que d'être mort: c'est d'être à la mort."

Jérôme Lachasse