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Orlando: "Dalida a eu une vie hors du commun"

Orlando en 2010

Orlando en 2010 - Eric Feferberg - AFP

ENTRETIEN - Le frère de la chanteuse raconte les coulisses du biopic réalisé par Lisa Azuelos qui sort ce mercredi 11 janvier.

Il est le gardien du temple. Depuis des années, Orlando consacre l’essentiel de son temps à la mémoire de sa sœur Dalida. Il a participé au biopic que réalise Lisa Azuelos sur la chanteuse née au Caire en 1933. BFMTV.com a rencontré à deux reprises Orlando. La première fois fin novembre dans une loge de l’Olympia décorée d’affiches de la chanteuse, à quelques heures de l’avant-première parisienne. La seconde mi-décembre chez lui. Il a évoqué avec émotion le souvenir de sa sœur, disparue le 3 mai 1987, les coulisses du biopic de Lisa Azuelos et l’amour que portait Dalida aux films de Louis de Funès.

Pouvez-vous nous raconter la genèse du film?

Le film sort le 11 janvier, presque trente ans après le départ de Dalida. Il y avait eu un superbe téléfilm de Joyce Bunuel il y a douze ans qui avait réuni 13 millions de spectateurs sur France 2. Je l’aime beaucoup mais le cinéma nous permet d’accomplir des choses que l’on ne pouvait pas faire à la télévision. Je cherchais depuis quelques années à monter un film sur Dalida, mais je n’arrivais pas à trouver les bonnes personnes. Il y a 5 ans, les Américains sont venus me voir. Ils voulaient coproduire avec la France. J’ai signé pour trois ans. Tout ce qu’on m’a proposé - scénario, réalisateur - ne collait pas du tout avec le personnage de Dalida. Au bout de trois ans, j’ai dit stop. Ils n’avaient pas la bonne vision.
Comment avez-vous choisi Lisa Azuelos?
Julien Madon, le coproducteur du film avec Lisa Azuelos et Jérôme Seydoux de Pathé, n’avait jamais lâché l’affaire. Il a sauté sur l’occasion et m’a présenté Lisa Azuelos. Ce qui m’a séduit, c’est que ce soit une femme qui réalise l’histoire d’une autre femme. Lisa Azuelos est elle-même la fille d’une chanteuse très célèbre, Marie Laforêt. Elle connaît toutes les difficultés pour une femme d’assumer ce métier. Ce qui m’a plu aussi, c’est que Lisa a tout de suite vu la dualité de ma soeur entre sa vie publique Dalida et sa vie privée Iolanda. Lisa m’a dit: ‘Il faut rendre justice aux deux’. J’ai alors accepté de collaborer avec elle.

Avez-vous participé à l’écriture du scénario?

J’ai eu un droit de regard sur le scénario, mais je n’ai rien interdit. On s’est vu plusieurs fois chez moi avec Lisa. J’ai été témoin de la vie de ma sœur. Je lui ai donc ouvert tout ce que j’avais de Dalida. Je lui ai expliqué ses rapports avec les hommes, avec son métier... Dalida a fait une psychanalyse. Je lui ai ouvert les réflexions qu’elle a eues pendant ces séances. Elle a vraiment pu rentrer dans la colonne vertébrale de Dalida. Puis je l’ai laissée travailler.

Pourquoi avoir choisi de retracer toute la vie de Dalida et non quelques années de sa vie?

Avec Lisa, on ne voulait pas faire comme ce film, My Week with Marilyn. C’est ce que voulaient faire les Américains: un épisode. Dalida, comme Piaf, a eu une vie qui justifie un biopic. Leur vie personnelle a été à la hauteur de leur vie professionnelle. Si Dalida est devenue cette icône et a été une légende vivante, c’est parce que sa vie personnelle a été aussi forte que sa vie artistique. Dalida a vécu plusieurs vies en une seule. Dans son scénario, Lisa a embrassé cela, toute la vie de Dalida, du début jusqu’à la fin, sans respecter l’ordre chronologique. Le rythme est très moderne. Lisa a vraiment exploré le subconscient et l’inconscient de Dalida.

Comme s’est déroulé le casting?

Sveva Alviti est parfaite dans le rôle. C’est la grande révélation du film. Elle a embrassé toutes les périodes de Dalida en apportant sa fraîcheur. Ce n’est ni un clone de Dalida, ni une caricature, comme c’est souvent le cas dans les biopics. Le reste du casting est aussi très ressemblant, je trouve: Jean-Paul Rouve, Patrick Timsit et Niels Schneider, l’acteur fétiche de Xavier Dolan! L’acteur qui joue mon rôle, Riccardo Scamarcio, est aussi très bien. En Italie, c’est une grande star. Avant la première scène de chaque acteur, je me suis déplacé sur le tournage pour les saluer. Puis, après un quart d’heure, je me retirais pour les laisser travailler.

Avez-vous pu tourner dans la maison de Dalida?

Lisa Azuelos a eu, je crois, le droit de tourner sur la terrasse de la chambre de Dalida. Elle a pu filmer la façade et la porte mais l’intérieur de la maison, non.

Au début du film, Dalida cite Heidegger. Elle lisait beaucoup de philosophie?

Après le suicide de Luigi Tenco à Sanremo, Dalida a essayé, un mois après, de se suicider par amour. On l’a sauvé après cinq jours de coma et c’est une autre Dalida qui est née. Une Dalida qui avait soif de connaissances. Après le drame, elle s’est posée plein de questions. La musique et le succès ne lui suffisaient plus. Elle avait besoin d’une autre nourriture, une nourriture de l’esprit, philosophique. Elle appelle cette période ces 'quatre années d’hiver' [1967-1971, ndlr]. Elle a fait elle-même une psychanalyse. Elle est partie dans un ashram. C’était un besoin vital. A l’époque, elle ne savait même plus si elle avait encore envie de chanter. Elle a même été à la Sorbonne pour suivre des cours. Elle a commencé à lire Teilhard de Chardin, Jung… Elle était aussi fanatique de Freud! Jusqu’à la fin de sa vie, elle a dit: 'Le plus fidèle compagnon est un livre'. A l’époque, cela avait fait un peu sourire les médias.

A la fin du film, Dalida regarde une comédie de Louis de Funès. Elle allait souvent au cinéma?

Dalida aimait beaucoup le cinéma. Elle regardait beaucoup de films intellectuels. Mais Dalida, c’était surtout une amoureuse. Elle adorait les grandes fresques, les grandes histoires d’amour. A la fin de sa vie, comme elle ne dormait plus beaucoup, elle regardait aussi des films de Louis de Funès pour occuper son temps et son esprit. Il la faisait beaucoup rire. Dalida a eu une vie avec de grands bonheurs, de grands malheurs. Même si du point de vue personnel son histoire était tragique - trois hommes se sont suicidés -, elle a adoré la vie, elle était solaire. Elle n’aurait pas pu avoir la carrière qu’elle a eue et offrir autant de rêves et de joie au public si elle était triste.
Jérôme Lachasse