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Michel Hazanavicius: "The Artist n'est pas du tout un film culte"

Michel Hazanavicius était invité du Comic Con à Paris, le 22 octobre 2016.

Michel Hazanavicius était invité du Comic Con à Paris, le 22 octobre 2016. - BFMTV

ENTRETIEN - Le réalisateur français, oscarisé pour The Artist, était l'un des invités du Comic Con qui s'est tenu à Paris du 21 au 23 octobre dernier. Le temps d'une interview à BFMTV, le cinéaste est revenu pour nous sur sa carrière, de La classe américaine au Redoutable, sa prochaine comédie sur Jean-Luc Godard.

Sans lui, George Abitbol ne serait pas "l'homme le plus classe du monde", Hubert Bonnisseur de la Bath n'aurait ni vu Le Caire, ni Rio, et la France aurait quelques Oscars en moins à son compteur. En quelques films, Michel Hazanavicius s'est taillé une solide réputation, notamment dans le genre "ultra noble" de la comédie populaire. 

De passage au Comic Con de Paris pour partager son expérience avec le public, celui qui a filmé les hilarantes aventures d'OSS 117 au cinéma avant de décrocher l'Oscar du meilleur réalisateur pour The Artist, a accepté de répondre à nos questions. Sans se dérober, et avec classe, forcément.

Que représente un événement comme le Comic Con pour vous?

J'étais assez fan de sous-culture quand j’étais gamin, donc c'est un univers dont je me sens familier. Après je ne suis pas repenti, mais disons que je suis un "ex". Je me sens plus comme un grand frère ou un oncle de cette nouvelle génération.

Pour la communauté des geeks, votre film La classe américaine - le grand détournement, fait figure de film culte...

Oui, c’est quelque chose qui me rattache à cette communauté. J’ai la chance d’avoir fait un film, avec Dominique Mézerette, qui est devenu culte. Nous, on a juste fait un film pour la télévision, mais il a été récupéré par une bande de mecs qui a entretenu ça. Le film n’est pas à vendre, on ne peut pas l’acheter, ce n’est pas de la marchandise et ça lui donne un statut très particulier où les gens se cooptent, se le filent sous le manteau. Mais ce n’est pas moi qui ai fait un film culte, ce sont les gens. J’ai fait d’autres films après, mais celui-là aura toujours un statut particulier.

Michel Hazanavicius pose avec son Oscar du meilleur réalisateur, aux côtés de sa compagne, la comédienne Bérénice Bejo.
Michel Hazanavicius pose avec son Oscar du meilleur réalisateur, aux côtés de sa compagne, la comédienne Bérénice Bejo. © Jason Merritt - Getty Images North America - AFP

"Dans ce contexte, la voix d'OSS 117 ferait du bien"

Dans un tout autre genre, The Artist était aussi un hommage au cinéma américain. Que retenez-vous de ce tourbillon dans lequel ce film vous a conduit?

Les deux films sont très différents, car si La classe américaine est un film culte, The Artist ne l'est pas du tout. Le film a eu un succès mondial, critique, des prix, mais ce n’est pas du tout pareil. Ce que cette expérience m'a confirmé, c'est qu’il faut faire ce qu’on a envie, sans essayer de chercher à correspondre à ce que les gens attendent de vous. Je préfère me planter avec un film que je veux vraiment et que j’assumerai même dans l’échec plutôt que de reprendre une case qu’on attend que je remplisse.

Le cinéma américain d'aujourd'hui vous plaît-il autant que celui auquel vous rendiez hommage dans The Artist?

Oui! On a tendance à le réduire toujours à un cinéma unique, mais il est très riche. On peut toujours regretter la période du nouvel Hollywood, mais il y a des trucs mortels dans le cinéma américain, peut-être plus du côté indépendant. Les blockbusters se sont un peu concentrés sur les films de super-héros, ça manque peut-être un peu de diversités, mais les Américains font du bon cinéma.

L'an passé, Jean Dujardin estimait que l'humour d'OSS n'était "pas propice à l'époque que l'on traverse". Pensez-vous également qu'il serait compliqué de faire un troisième volet d'OSS 117 aujourd'hui ?

Compliqué, certainement, mais ce serait possible. Après, le 1 était compliqué, le 2 aussi. C’est d’autant plus compliqué que le contexte est ultra chaud, on a quand même un haut pourcentage de gens qui votent extrême-droite en France. Les questions se posent un petit peu différemment, mais les réponses existent néanmoins. Après, mon problème n’est pas que ce soit compliqué ou pas, il est surtout de trouver le désir nécessaire pour se coller à ça et trouver la bonne idée pour que l’objet à trois films soit plus beau et plus drôle que l’objet à deux films. Pour moi, ça se résume à ça. Et au contraire, dans un contexte comme celui-là, la voix d’OSS ferait du bien. Ce serait cool de le voir se comporter aujourd’hui. Ce n’est pas impossible, il faut juste être à la hauteur.

"Jean-Luc Godard me faire rire!"

Après les succès d'OSS 117 et The Artist, le public ne vous a pas suivi sur The Search. Comment expliquez-vous cet échec aujourd'hui?

C’est aussi compliqué d’analyser l’échec que le succès. Ce qui est important, c’est comment moi je le vis. Même si la Tchétchénie n’est pas le sujet le plus glamour, j'ai quand même essayé de faire un film populaire, avec du souffle. Ca n’a pas pris, je n’ai pas réussi à créer du désir autour de ce film-là. J’imagine qu’il y a un milliard de raisons. Il y a le film lui-même, la manière dont on l’a présenté, le sujet…

Ca ne vous refroidit pas à l'idée de refaire ce même genre de films, plus engagé, plus politique?

Je ne m’interdis pas de faire un film sérieux si j’ai envie, et si on me donne l’argent pour le faire. Mais après ça, j’ai eu envie de faire une comédie, parce que j’adore la comédie, c’est un genre ultra noble. Et j’ai trouvé un sujet qui me plaît.

Michel Hazanavicius sur le tournage de "The Search" en 2014
Michel Hazanavicius sur le tournage de "The Search" en 2014 © La Petit Reine

Justement, comment vous est venue l'idée du Redoutable, qui raconte un moment de la vie de Jean-Luc Godard ?

Je suis tombé un peu par hasard sur le livre Un an, d’Anne Wiazemsky, qui était la femme de Jean-Luc Godard et l’actrice qui jouait dans La Chinoise. Elle raconte dans deux livres (Une année studieuse et Un an après, NDLR) son histoire et ce moment de transition de Godard, qui était une espèce de star mondiale des réalisateurs dans les années 1960 - il a fait 22 films dans cette décennie - et qui devient un réalisateur, pas obscur, mais dont les films expérimentaux ne sont pas diffusés. Elle raconte ce passage de son point de vue. J’ai trouvé ça très touchant, très intéressant, et voir un grand homme, Jean-Luc Godard, star des réalisateurs, du point de vue du quotidien, c’est hyper drôle. Moi, Godard, me faire rire! Et au-delà de ça, on parlant d’un réalisateur, ça ouvrait sur son esthétique, son univers visuel. J’ai donc fait une reconstitution des années 1960 vu par le filtre de son travail et de son cinéma: le regard caméra, la distanciation, les pancartes, toutes les libertés qu’il prenait dans ses films...

"Les attentats de Paris se sont passés à 100 m de chez moi"

Avez-vous rencontré Jean-Luc Godard avant de tourner le film?

Non, je lui ai envoyé une lettre et le scénario. Il ne s’est pas manifesté, mais tout va bien. J’imagine que ça doit lui faire un peu bizarre, il faudrait lui demander. Mais comme je lui ai dit, le film n’est pas une statue à la gloire de Jean-Luc Godard, mais le film est fait avec beaucoup de tendresse et de respect.

L’an dernier, quelques jours après les attentats de Paris, vous aviez posté un long message, très relayé, sur Facebook pour exprimer votre amour de la France en réaction à la haine des terroristes. Pourquoi était-ce important pour vous de vous exprimer publiquement à ce moment-là?

Les événements se sont passés à 100 mètres de chez moi. Tout le monde était alors dans un état de sidération totale et je ne me retrouvais pas dans les seules voix que j’entendais, celles des spécialistes, etc... Je trouvais qu’il y avait assez peu de voix humaines, de gens normaux, qui s’exprimaient. J’étais en phase d’écriture à ce moment-là et de manière très spontanée, j’ai écrit un texte que je ne pensais pas du tout diffuser. Je l’ai montré à Bérénice (Béjo, sa compagne, NDLR) qui m’a dit: 'Tu devrais le mettre sur Facebook'. Je l’ai fait et ce n’est pas que le texte soit formidable, mais c'est surtout le timing. Il y a eu beaucoup d’écho, parce que les gens étaient touchés, je crois, d’entendre une voix à peu près normale dans cet état de sidération dans lequel on était tous.