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Cinéma

L'Empereur: dans les coulisses d'une aventure extrême en Antarctique

Douze ans après La Marche de l'Empereur, le réalisateur Luc Jacquet revient sur les traces des manchots de Terre-Adélie. Une aventure toujours aussi extrême, dont on découvre un nouveau volet étonnant.

Il s'avance en se dandinant sur la banquise, son précieux oeuf entre les pattes. Douze ans après La Marche de l'Empereur - une marche triomphale qui l'a mené jusqu'à Hollywood - le manchot empereur cher au réalisateur Luc Jacquet revient dans un nouveau documentaire en Terre-Adélie intitulé L'Empereur.

On pourrait presque toucher ses plumes, caresser le duvet gris de son petit, compter les bulles le long de son corps agile lorsqu'il plonge. En douze ans, la technologie de prise de vue a fait un bond en avant, ce qui a permis à Luc Jacquet de revenir observer la vie de ses "muses" favorites. Et surtout de dévoiler un pan nouveau de leur voyage: la vie sous-marine.

"J'ai vécu avec cette frustration de ne pas avoir abordé le volet océanique de la vie des manchots dans La Marche de l'Empereur. Aujourd'hui, la technologie nous le permet", nous explique-t-il. Les images sous-marines, totalement inédites, sont époustouflantes. On y découvre une faune et une flore ondoyante, délicate et luxuriante. "Personne n'était allé plonger à ces profondeurs-là. On ne savait même pas ce qu'on allait trouver", précise Luc Jacquet.

Conditions extraordinairement stressantes

Et si le matériel est de plus en plus performant, "le maillon faible ça reste l'humain", assure le réalisateur. Sur terre les conditions sont extrêmes, mais c'est bien pire sous l'eau. "Vous plongez à 70 mètres, sous la banquise dans une eau à -1,8°. Vous n'avez pas l'opportunité de sortir quand vous voulez. Donc vous êtes dans des conditions extraordinairement stressantes. Cependant il faut rester ouvert pour capter la beauté des choses".

Passer du 16 mm au numérique 4k rend l'image plus belle, plus vivante. Les animaux sont palpables à l'écran. "Ca ramène une proximité avec l'animal, confirme Luc Jacquet. L'image est tellement plus définie que vous avez ce sentiment d'être très proche d'eux".

Tout se joue en 20 secondes

L'émerveillement du réalisateur pour son sujet est intact. Et l'instinct qui guide cette colonie au coeur de l'hiver polaire, puis pousse les jeunes à rejoindre l'océan, seuls, sans y avoir jamais mis les pieds, l'étonne toujours autant. "On n'est plus dans l'histoire du pingouin un peu rigolo qui se casse la figure et qui nous fait marrer. Cet animal a une amplitude d'existence phénoménale. Entre l'obscurité des 600 mètres de profondeur et le marathon de 150 kilomètres sur la glace avec du blizzard ou du soleil aveuglant, cette bestiole est hallucinante".

Le film suit l'histoire d'un couple de manchots empereurs et de leur course pour la vie et la survie. Le passage de l'oeuf de la femelle au mâle est un moment crucial. "On est au mois de mai. Ils sont partis au mois de mars, ils ont marché. Au mois d'avril ils ont paradé, ils se sont reproduits et ont dépensé une somme d'énergie considérable pour fabriquer physiologiquement cet oeuf. Et tout se joue en 20 secondes. Si l'oeuf est perdu à cet instant-là, ils ont fait tout ça pour rien".

Passion pôle

Lambert Wilson, choisi par Luc Jacquet comme narrateur, a, lui aussi, connu le grand frisson du pôle. "Il a su que j'aimais beaucoup prêter ma voix à des documentaires, explique-t-il. La coïncidence fait que j'étais un acteur qui avait tourné en Antarctique". En 2016, Lambert Wilson a incarné le commandant Cousteau dans L'Odyssée, et a tourné 15 jours en Antarctique. Un voyage qui l'a "bouleversé". "On arrive devant cette beauté hallucinante. Tout ce qu'on a vu de sublime dans les Alpes est multiplié par dix".

L'acteur a d'ailleurs vécu un "moment de grâce inouïe", pendant le tournage de L'Odyssée. "Il y a une scène incroyable dans L'Odyssée, dans laquelle Pierre Niney [qui incarne le fils du commandant Cousteau, NDLR] faisait semblant de photographier des animaux qui n'étaient pas là. Est arrivé, exactement entre Pierre Niney et la caméra, un couple de manchots empereurs, qui s'est placé exactement au bon endroit. Et qui a fait devant nous qui retenions notre souffle, une sorte de danse d'amour".

"L'Antarctique est en train de fondre"

Le message implicite de L'Empereur, c'est aussi, la menace qui pèse sur ces espèces. "L'année de notre tournage on a eu de la chance, les poussins étaient bien portants. Mais les deux générations précédentes, aucun n'est parti à l'eau. Sur une cohorte de 30.000 poussins, tous sont morts", raconte Luc Jacquet.

"L'Antarctique est en train de fondre. C'est de l'eau douce, qui s'écoule dans l'océan et qui gèle plus vite que l'eau salée. La banquise s'étend, ce qui pénalise les Empereurs qui ont plus à marcher pour accéder à l'eau et se fatiguent d'avantage".

Cet habitué du pôle a pu constater de lui-même les effets du réchauffement climatique. "C'est la première fois de ma vie que je vois pleuvoir en Antarctique, depuis 1991, où j'y suis allé en moyenne une fois tous les deux ou trois ans. Or la faune qui vit là-bas est parfaitement adaptée au froid, mais pas à l'humidité".

Magali Rangin