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Cinéma

Cinq anecdotes sur la vie et les films de Jean-Paul Belmondo

Jean-Paul Belmondo dans "Le Magnifique"

Jean-Paul Belmondo dans "Le Magnifique" - Studio Canal

Une autobiographie, Mille vies valent mieux qu'une, ainsi qu'un beau livre, Belmondo par Belmondo, viennent de sortir chez Fayard.

Pendant trois décennies, il a séduit des millions de spectateurs avec sa gouaille et ses cascades. Devenu une légende du 7e Art, Jean-Paul Belmondo, 83 ans, a sorti sa plus belle plume pour écrire ses mémoires, Mille vies valent mieux qu'une (Fayard), disponible depuis le 2 novembre. Une sortie accompagnée par un beau livre, Belmondo par Belmondo (Fayard). 

Le Magnifique y retrace sa carrière - et quelle carrière! - A bout de souffle, L'Homme de Rio, Le Doulos, Cent mille dollars au soleil, Pierrot le fou, Stavisky... Le comédien revient sur son père, sculpteur; les cours de comédie au conservatoire; les quatre cent coups avec Jean-Pierre Marielle et Jean Rochefort; les femmes de sa vie... "Bébel" raconte ses mille vies. On vous en dévoile cinq. 

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- © Fayard

Le jour où il a volé le lait de Beauvoir et de Sartre

Acteur agile et malin, Belmondo rusait dans sa jeunesse pour obtenir du lait sans payer. Il repérait une porte où le laitier déposait sa bouteille et s'en emparait. L'acteur en herbe en affectionnait une tout particulièrement. Il raconte: "Comme ça fonctionne bien sur ce perron-ci, j'y reviens. Les propriétaires de mon butin pourraient, au bout de quelques jours, se sentir persécutés, voire porter plainte. Ou éprouver une certaine curiosité et tenter de me prendre la main dans le sac. Manifestement, ils oublient plutôt de boire leur lait. Et ce jour où je les verrai sortir à l'heure dite prendre leur dû, ils le laisseront. Et moi aussi, de surprise. Car les victimes de mon larcin quotidien ne sont autres que Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. Je cesserai de voler le lait de cette porte-ci."

La première rencontre avec Alain Delon

1957. Belmondo passe un casting pour un petit rôle dans une comédie, Sois belle et tais-toi. Arrivé dans la salle d'attente, il s'impatiente. A ses côtés, un autre comédien lui "jette un regard bleu acier et [lui] dit: 'Calme-toi, ils sont là'." Ce comédien, c'est Alain Delon. Les deux hommes se recroisent quelques jours plus tard. "Entre nous commence une amitié qui ne s'est jamais tarie", raconte Belmondo. "Le hasard nous a épargnés en nous évitant la concurrence. Le seul rôle que je devais tenir et qu'il aura finalement eu sera celui de Monsieur Klein. Et encore, nous ne serons pas en lice en même temps", ajoute-t-il avant de conclure, fair-play: "Il était parfait dans la peau de cet homme traqué par les nazis, bien mieux que je ne l'aurais été". Les deux acteurs ont partagé l'affiche à plusieurs reprises, notamment dans Borsalino.

Viré de la Comédie-Française par Michel Galabru

Après avoir joué au conservatoire, Belmondo est embauché pour jouer Molière à la Comédie-Française: Le Médecin malgré lui et George Dandin. Dans cette dernière, le jeune homme joue le rôle de Lubin, qu'il connaît pour l'avoir incarné au conservatoire. On lui annonce cependant qu'il doit jouer la première sans avoir répété. Il accepte, monte sur scène puis retourne dans les coulisses se démaquiller. Soudain, un de ses amis, Michel Beaune, lui lance: "Mais tu es fou! Tu as encore trois scènes à jouer!"

Dans son excitation, Belmondo a oublié qu'il devait jouer le reste de la pièce! Ni une ni deux, Galabru, avec qui il partage l'affiche, le "saisit par les épaules et [lui] fait traverser le rideau": "Je me retrouve face à mon employeur, qui ne tarde pas à se rendre compte que je suis incapable de suivre la scène." Depuis les coulisses, Michel Beaune lui souffle les répliques. "Et, quand je parviens à attraper des bribes derrière le rideau, je les mélange jusqu'à ce que mes phrases n'en soient plus", se souvient l'acteur, avant d'ajouter: "C'est une catastrophe." Galabru le vire sur le champ. "Je ne me rappelle pas les détails de la fin de ce naufrage, si ce n'est une grosse engueulade avec une grosse voix."

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Des farces avec Marielle et Rochefort

Belmondo évoque également les jeux qui les amusaient avec ses anciens compagnons du conservatoire: Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle... Il se souvient notamment des concours de pets organisés sur le tournage du film de guerre Week-end à Zuydcoote. Plus jeune, la même bande jouait des tours aux passants. Belmondo affectionnait en particulier celui de la chaussure: "Je marche avec les copains sur le trottoir et, à un moment, je lâche volontairement l'un de mes mocassins sur le bitume. Les gens qui se trouvent derrière moi [...] ne manquent pas de m'interpeller pour me signaler la perte. Mais je réponds un inattendu: 'Mais elle n'est pas à moi!'." Une facétie digne des films de Philippe de Broca, l'auteur de L'Homme de Rio.

Il a frappé Melville, ulcéré par son comportement sur un plateau

Jean-Pierre Melville, réalisateur de polars comme Le Deuxième souffleLe Samouraï et Le Cercle rouge, était connu pour porter en toute circonstance un Stetson et des Ray-Ban. Mais aussi pour son perfectionnisme et ses sautes d'humeur. Belmondo a tourné à trois reprises avec lui: Léon Morin, prêtre (1961), Le Doulos (1962) et L'Aîné de Ferchaux (1963). Sur chaque tournage, les relations sont houleuses, mais l'admiration est mutuelle. Sur le plateau de L'Aîné des Ferchaux, l'atmosphère est pourtant explosive. "Presque chaque jour", rapporte Belmondo, "Melville débusquait un motif pour emmerder [l'acteur Charles] Vanel, qui se laissait faire afin de ne pas envenimer" la situation.

Un jour, c'en est trop. "Ca me met dans une rage que je ne veux plus contrôler: 'Fous-lui la paix. Je ne supporte plus la façon dont tu lui parles. Je t'avais prévenu, je me casse' Mais, avant de m'exécuter, je règle mes comptes. Je me rapproche rapidement de Melville, lui arrache son Stetson et ses Ray-Ban, et le pousse violemment pour qu'il tombe. Une fois à terre, je l'achève d'une phrase: 'Sans tes lunettes et ton sombrero, tu as l'air de quoi, maintenant? D'un gros crapaud'''. Après cette scène, Vanel et lui quittent le tournage pour ne plus revenir. Melville reste donc seul avec ses bobines et doit terminer son film avec ce qu'il a pu tourner. Les deux hommes se reverront une fois, en 1972, soit un an avant la mort du cinéaste. C'était pendant un match de boxe. Les deux s'étaient réconciliés. 

Mille vies valent mieux qu'une, Fayard, 320 pages, 19,90 €

Belmondo par Belmondo, Fayard, 304 pages, 39,00 €

Jérôme Lachasse