BFMTV
Cinéma

Ce qui nous lie: le grand retour de Cédric Klapisch

Cédric Klapisch, réalisateur de "Ce qui nous lie"

Cédric Klapisch, réalisateur de "Ce qui nous lie" - BFMTV

ENTRETIEN - Le réalisateur de L’Auberge espagnole revient avec Ce qui nous lie, une ode à la viticulture doublée d’une réflexion sur le temps qui passe.

Cédric Klapisch est de retour. Après des années passées à filmer Paris (Paris), Barcelone (L’Auberge espagnole), Saint-Pétersbourg (Les Poupées russes) et New York (Casse-tête chinois), le cinéaste a posé sa caméra à la campagne, dans le vignoble bourguignon. Pendant dix ans, il a réfléchi à ce film, Ce qui nous lie, l’histoire de trois frères et sœurs confrontés à la mort de leur père et à la décision de conserver, ou non, leur domaine familial.

Après un longue période de préparation, Klapisch a filmé pendant 12 mois en Bourgogne, au fil des saisons. Comme dans Boyhood, récit initiatique qui a filmé pendant 12 ans la vie d’un adolescent, Klapisch a saisi l’évolution des saisons et l’effet du temps sur ses acteurs. BFMTV.com a pu le rencontrer.

Ce qui nous lie marque un tournant dans votre filmographie: après avoir filmé pendant des années en ville, vous tournez pour la première fois à la campagne.

Cela fait une dizaine d’années que j’ai ce film en tête et sept ans que je le prépare. J’avais envie de parler du temps qui passe et, bizarrement, une ville n’est pas un bon endroit pour parler de ce sujet. Assez rapidement, j’ai commencé à réfléchir sur cette thématique du vin. J’avais très certainement envie de quitter les villes: j’ai fait onze longs métrages qui se passent dans des rues, qui parlent de phénomènes urbains. J’avais envie de parler d’autres choses, d’aller voir ailleurs.

Cette envie d’ailleurs est présente dès le début, qui ressemble à un western…

C’était voulu. Pendant les repérages, j’ai beaucoup réfléchi sur la manière dont j'allais filmer la nature: en Scope, avec une horizontalité très forte dans les plans… La référence à Sergio Leone s’est imposée rapidement. Le lieu que l’on a trouvé en Bourgogne me faisait un peu penser à une hacienda, ce genre de domaine à la fois intérieur et extérieur. J’ai eu envie de me référer à ce cinéma-là pour ne pas filmer comme d’habitude.

Y a-t-il une dimension autobiographique dans Ce qui nous lie?

Non. Il n’y a rien qui ressemble à ma famille dans ce film. Je suis parisien. Je ne suis ni bourguignon, ni vigneron. Ce monde-là n’est pas mon monde. C’est pour cela que j’ai dû me documenter pendant plus de sept ans pour ne pas être un parisien qui réalise un film en Bourgogne.

-
- © Studio Canal France

Pourquoi y a-t-il des affiches de BD de Lucien de Frank Margerin sur les murs de la chambre de Pio Marmaï? Pourquoi lit-il Le Nid des Marsupilamis?

Je me suis inspiré des chambres que je voyais chez les vignerons. Très souvent, ils ont gardé intacte la chambre de leurs enfants, qui ont plus de 30 ans aujourd’hui. Ces affiches de Margerin, on les a vues dans la chambre de quelqu’un. On s’est dit qu’elles correspondaient parfaitement à Pio Marmai et à son personnage: son côté un peu punk… Son personnage est parti de chez lui à 18 ans en laissant sa chambre telle quelle. Quand il revient à 30 ans, sa chambre est remplie de choses qu’il aimait enfant. Le Marsupilami, c’est pour aller plus loin: c’est un personnage qui a bercé l’enfance de tout le monde.

Vous avez tourné sur douze mois, au fil des saisons. Est-ce la première fois que vous travaillez aussi longtemps sur un film? Cela vous a-t-il permis de perfectionner le film?

Oui. Je n’avais jamais fait un an de tournage. En général, un tournage dure un mois ou deux. Ce n’était pas pour que tout soit parfait, mais pour se laisser le temps du changement. C’est-à-dire que dans ce film-là, c’est la première fois que j’ai re-filmé certains plans. On a filmé deux fois à six mois d’écart la scène où Ana Girardot retrouve son frère. Au début, je sentais qu’ils n’étaient pas encore proches. Quand on re-filmé la scène six mois plus tard, on était proche de la fin du tournage et elle s’est mise à pleurer en le voyant. C’est une des premières scènes du film, mais le temps du tournage a permis ce genre de choses.

-
- © Studio Canal France

Il y a beaucoup de gros plans dans le film. Comment avez-vous trouvé les bonnes caméras et les bons objectifs pour filmer cela? Filmer un gros plan ou un paysage, ce n’est pas la même chose…

On a fait beaucoup d’essais. Avant, on choisissait une pellicule. Aujourd’hui, on choisit une caméra. On a tourné avec une Sony F65. On a vu que pour les couleurs des peaux, cette caméra était parfaite. Ensuite, il y a eu un travail de sélection des objectifs. On a beaucoup utilisé un objectif macro et grand angle à la fois, qui permettait de filmer des choses très proches de la caméra. Dans ce film, il fallait qu’il y ait cela: une grand proximité avec ces personnages. D’où l’usage de ces gros plans, où la caméra est proche du grain de raisin, de la bouche. Il y a quelque chose d’assez sensuel. Comme on est en Bourgogne, il y a aussi des plans très larges sur des paysages. J’ai souvent filmé avec des courtes focales pour que, comme dans les westerns, les perspectives soient ouvertes. Il fallait qu’il y ait un va-et-vient entre ces deux échelles pour raconter le temps qui passe et cette histoire de famille.

Vous avez beaucoup hésité pour le titre. Pourquoi?

Parce qu’au cours du montage mon sujet de départ qui était le vin est devenu un sujet secondaire. Avec le temps, je me suis rendu compte que le film parlait en fait des rapports familiaux.
Jérôme Lachasse