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Le deuil des fans, soutien ou double peine pour les proches de stars

Das fans de Johnny Hallyday, le 6+ décembre 2017, près de la maison du chanteur à Marnes-la-Coquette.

Das fans de Johnny Hallyday, le 6+ décembre 2017, près de la maison du chanteur à Marnes-la-Coquette. - Eric Feferberg - AFP

La peine des fans, qui ont perdu "leur" Johnny, est-elle un support ou un fardeau pour la famille du chanteur?

Des millions d'anonymes pleurent Johnny Hallyday mais sa famille porte le deuil d'un père ou d'un mari. Dans cette période si intime, l'affliction du public peut réconforter les proches de stars disparues mais, aussi, rendre la perte plus difficile à surmonter.

"C'est à double tranchant. En une seconde, par la médiatisation et l'émotion populaire, la personne n'appartient plus à sa famille", estime la nièce de Claude François, Stéphanie Eschenlohr, rédactrice en chef du magazine Ici Paris, interrogée par l'AFP.

"Pour ma mère, cela a été très difficile. Elle n'a pas pu pleurer son frère. Elle a pleuré Claude François", poursuit la fille de Josette François, soeur et principale collaboratrice du chanteur, disparu en 1978. Stéphanie Eschenlohr raconte que sa mère s'est même "retrouvée à consoler des fans" qui n'arrêtaient pas de l'appeler au téléphone.

"Ils l'ont aidée à surmonter la perte"

A l'inverse, les fans ont été "une bénédiction" pour la grand-mère de Stéphanie Eschenlohr, la mère de "Cloclo", et "l'ont aidée à surmonter la perte de sa raison de vivre".

Âgée de 10 ans aux moment des obsèques de son oncle, qu'elle a suivies à la télévision, Stéphanie Eschenlohr se rappelle avoir été "effrayée" par l'affluence, tout en étant "fière" qu'il "soit autant aimé".

Des sentiments ambivalents également exprimés par les princes Harry et William, âgés de 12 et 15 ans à la mort de leur mère Diana. Harry a récemment avoué dans un documentaire s'être demandé "comment tant de gens" qui n'avaient jamais connu sa mère "pouvaient pleurer et manifester davantage d'émotion" que lui-même.

"Tout le monde s'est approprié sa mort"

"Un processus de deuil est par essence un processus d'intimité, basé sur le lien avec la personne qu'on a perdue", relève le psychiatre et psychothérapeute Christophe Fauré, spécialiste de l'accompagnement du deuil. L'affliction du public peut donc être vécue comme "un viol d'intimité" par les proches de célébrités disparues, dit-il.

Le processus de deuil comporte quatre étapes, souligne la psychologue et psychanalyste Véra Fakhry: "Le choc, la fuite et la recherche, la déstructuration puis la restructuration."

"Un deuil est pathologique quand une de ces phases s'éternise", explique-t-elle. "Le fait qu'une célébrité appartienne à tout le monde peut geler le deuil de ses proches sur l'un de ces moments."

Ainsi, Charlotte Gainsbourg a confié n'avoir "jamais réussi à faire le deuil" de son père, Serge Gainsbourg, disparu quand elle avait 19 ans.

"Tout le monde s'est approprié sa mort, alors je me suis enfermée seule chez lui et je fuyais dès que j'entendais ses chansons", a-t-elle raconté en octobre dans L'Obs.

La "petite fiancée de l'Atlantique"

L'actrice et chanteuse vient de sortir un album en hommage à son père et à sa soeur Kate Barry, dont la mort en 2013 l'a conduite à déménager à New York pour y trouver un anonymat salutaire.

Pourtant, "il peut y avoir un versant plus lumineux", nuance le docteur Fauré. "La plus grande peur de quelqu'un qui perd un proche, c'est l'oubli", note-t-il, et le soutien du public "peut donc être aussi extrêmement apaisant."

C'est le sentiment qu'a éprouvé Hubert Arthaud, frère de la navigatrice Florence Arthaud, décédée en 2015 dans un accident d'hélicoptère sur le tournage d'une émission de téléréalité.

Il a vécu le deuil du public comme "un honneur, une reconnaissance pour quelqu'un qui a été au bout de sa passion", témoigne-t-il pour l'AFP.

Après la mort de la "petite fiancée de l'Atlantique", un hommage lui avait été rendu en mer. "J'avais tenu à ce qu'il ait lieu, se souvient Hubert Arthaud. Ces personnages publics font rêver les autres et sont tellement aimés que ce serait presque égoïste que les gens ne puissent pas participer à un hommage".

"C'est vrai que chaque commémoration est très dure, concède-t-il. Ça fait ressurgir des souvenirs et la tristesse. Mais ça continue aussi à la faire vivre."

M.R. avec AFP