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Millénium 4: un roman au parfum de mystère et de scandale

Une personne feuillette "Les hommes qui n'aimaient pas les femmes", premier tome de la trilogie Millenium.

Une personne feuillette "Les hommes qui n'aimaient pas les femmes", premier tome de la trilogie Millenium. - Gérard Julien - AFP

Messages codés, communication verrouillée: l'éditeur suédois Norstedts a tout fait pour entretenir le mystère autour de la suite donnée à son plus grand succès, la série de polars Millénium, 11 ans après la mort du créateur. Ce quatrième volet sort ce jeudi 27 août.

Le pavé de 500 pages qu'est le nouveau tome de la saga Millénium promène un parfum de scandale alors que personne, à l'exception de quelques happy few, éditeurs et traducteurs, ne l'a lu. Norstedts n'a distillé que de maigres détails sur ce roman signé David Lagercrantz, auteur caméléon qui a rédigé l'autobiographie du footballeur Zlatan Ibrahimovic.

Au premier rang des détracteurs, Eva Gabrielsson, compagne pendant 32 ans de Stieg Larsson, l'auteur des trois premiers tomes parus entre 2005 et 2007. Écartée de sa succession car ils n'étaient pas mariés, elle n'a trouvé aucun accord avec les héritiers, frère et père.

Ce qui ne me tue pas ne lui rapportera pas un sou, comme la trilogie qui a connu un succès foudroyant, couronné par des adaptations cinématographiques en Suède et à Hollywood. 

Un roman écrit sans Internet et dans l'angoisse

Toutes les précautions ont été prises lors de la gestation du livre, mise en scène comme un polar autour du polar. L'auteur a utilisé un ordinateur sans Internet pour écrire la suite des aventures de Lisbeth Salander, hacker surdouée, et de Mikael Blomkvist, journaliste d'investigation, et tenu un journal de bord angoissé.

"On a vu la manière dont Sony Pictures a été piraté en 2013 et on ne voulait pas l'être", explique à l'AFP une porte-parole de l'éditeur, Linda Altrov Berg. "Ça a d'ailleurs augmenté le coût pour nous", sourit-elle, dans son bureau proche de la vieille ville à Stockholm.

En vue des traductions, le roman a été livré par coursiers aux maisons d'édition qui détenaient les droits des trois premiers volumes. Une multitude d'accords de confidentialité ont été signés, et aucun entretien réalisé avec David Lagercrantz ne peut être diffusé avant le jour de parution, le 27 août.

Depuis le début, le projet déplaît à ceux pour qui Norstedts, les héritiers de Stieg Larsson et David Lagercrantz se servent dans le nid de la poule aux oeufs d'or. Dans le quotidien Dagens Nyheter, des amis d'enfance de Stieg Larsson ont évoqué "le pillage d'une tombe". Le livre ne ternit pas la mémoire de Stieg Larsson, réplique Mme Altrov Berg, car David Lagercrantz n'a rien d'un "nègre qui a imité la voix de Stieg. C'est son livre à lui". P

Politiques commerciales agressives 

Selon Eva Gabrielsson, seul l'appât du gain a permis la naissance du livre. Reproche attendu pour l'éditeur: "Chaque maison d'édition dans le monde publie des livres pour gagner de l'argent. Ce ne sont pas des entreprises de bienfaisance", dit Mme Altrov Berg. Pas un mot sur le chiffre d'affaires espéré. On sait seulement que les héritiers reverseront leur part des recettes au magazine antiraciste Expo, cofondé par Stieg Larsson.

Pour Mats Svensson, critique littéraire, l'oeuvre est symptomatique de politiques commerciales de plus en plus agressives dans l'édition en Suède. "Les grandes maisons d'édition suédoises, comme les éditeurs anglo-saxons, ont commencé à être de plus en plus gérées comme des entreprises normales avec des exigences de rendement élevés". Norstedts "est passé de machine à livres à machine à profit", déplore-t-il.

"C'est une oeuvre commandée par les survivants et l'éditeur. Ils veulent continuer à gagner de l'argent sur la franchise qui s'est construite autour de la trilogie", confirme Sara Kärrholm, professeur de littérature à l'université de Lund, interrogée par l'AFP. Le roman ne devrait avoir aucun mal à trouver un public, selon elle, "tellement il y a de personnes qui ont aimé les personnages. (...) Elles veulent savoir ce qu'ils sont devenus". "On peut en quelque sorte comparer la suite de Millénium à une nouvelle saison d'une série télé: on demande une suite parce qu'on veut continuer à suivre les personnages", résume l'universitaire.

Norstedts affirme ne pas penser à un éventuel tome 5, et, à quelques jours de la publication, tâche de minimiser une fébrilité patente avant d'affronter la critique. "C'est juste un livre. Laissons les lecteurs trancher", conclut Mme Altrov Berg. Après les plus de 80 millions d'exemplaires des trois premiers tomes, 2,7 millions d'exemplaires ont été imprimés, dans 25 pays.

Nawal Bonnefoy avec AFP