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Gad Elmaleh sort une nouvelle BD: "Je n’avais aucune expérience, ça a été du pur feeling!"

Gad Elmaleh à New York en septembre 2016

Gad Elmaleh à New York en septembre 2016 - Rob Kim - Getty - AFP

L'humoriste et acteur sort le deuxième tome de sa BD Le Blond, adaptation de son célèbre sketch. Il a accepté de répondre aux questions de BFMTV.com.

Il a côtoyé les cimes du box-office français. Il a joué avec les plus grands: Steven Spielberg, Costa-Gavras et Kev Adams. Il a aussi conquis l'Amérique, où il a rempli les salles avec son stand-up. Après avoir fait rire la terre entière, Gad Elmaleh se lance dans un nouveau défi: la bande dessinée. Un an après la sortie du Blond, premier tome d'une série dérivée de son célèbre sketch, l'humoriste et comédien revient avec un deuxième tome. L'occasion idéale de lui poser quelques questions sur son rapport à la bande dessinée, l'écriture de blagues et son amour pour l'art contemporain. 

Vous êtes dans une période très créatrice, entre le stand-up, la version française de SNL et les BD pour Michel Lafon. A quel moment s’est déclarée l’envie d’écrire des BD? Etait-ce en réaction à ce travail sur scène et à la TV?

Oui, mais pour être tout à fait honnête, ce n’était pas mon idée. C’est une éditrice, Annabelle Roche, après avoir vu le spectacle avec ses enfants, qui a imaginé avec Michel Lafon que ça pourrait être un personnage de BD. Je n’ai pas compris ce qu’elle voulait dire parce que moi, pour tout vous dire, je ne suis pas un amateur de BD. La seule BD que j’ai vraiment lue, c’est quand j’ai fait le Tintin de Steven Spielberg et qu’il m’a demandé de lire Le Secret de la Licorne. J’ai été vachement touché quand Spoon, le dessinateur, m’a présenté les premières planches du Blond. Ça a été génial pour moi. Sur scène, j’ai toujours évoqué et décrit mes personnages, mais je ne les avais jamais vraiment vu avant.

Il ressemble à ce que vous imaginiez?

Pas du tout. C’est beaucoup plus concret. Quand on évoque un personnage, on pense à des choses qui sont assez irrationnelles, assez abstraites. Ça ne marcherait pas si on voyait le personnage quand je l’évoque sur scène. Pour une BD, c’est super. On a trouvé des choses ensemble. Je suis mauvais en dessin, mais je suggérais des choses. On a beaucoup travaillé. Je disais, "les cheveux, on les met comme ça", "là il n’est pas assez culturiste. Ici, il n’est pas assez blond". Et j’ai écrit les dialogues, bien sûr.
"On a eu des propositions de mangas, mais je n’ai pas voulu de ça"

Sur scène, tout passe par votre voix, vos gestes. En BD, c’est le lecteur qui choisit comment la blague va être prononcée. L’écriture n’est pas la même sur scène et en BD.

Complètement. Il y a un autre truc intéressant: sur scène, j’évoque le Blond et je parle plus de moi que de lui. Je me compare au Blond, lui est un peu décrit, mais c’est surtout le décalage qui est drôle. C’est intéressant: je n’aurais jamais cru que je le décrirai autant [dans la BD].

Dans le tome 2, vous devenez même presque ami avec le Blond. On vous voit avec lui dans un transat…

Ah oui (rires). On a eu beaucoup de discussions là-dessus. Je pense que pour l’étape d’après j’aimerais que le Blond envie l’autre. Il y a quelque chose que le Blond n’arrive pas à faire, qui lui échappe: la spontanéité, l’humour…

BD Gad Elmaleh
BD Gad Elmaleh © Michel Lafon

Pourquoi avoir choisi le format de gags en une page? En BD, vous pouvez créer tout ce que vous voulez. Contrairement au cinéma, il n’y a pas de limite de budget…

Je dois vous dire… Je n’avais aucune expérience. Ça a été du pur feeling. Je fonctionne par gag, par petite histoire. C’est une manière pour moi de plus maîtriser. J’ai l’impression que, comme sur scène, quand je commence un gag, un beat comme dise les Américains, il faut qu’il y ait une scène d’expositions, un petit développement avec une punchline et une conclusion. C’est l’esprit que je connais et que je voulais faire coller à la BD. Mais je dois vous dire que je n’y connais rien en BD.

Vous dites que vous n’y connaissez rien, mais vous aimez tout de même le travail du dessinateur Voutch. Pour quelles raisons? Il est assez éloigné de votre humour...

Oui, mais il y a beaucoup d’esprit. Les têtes de ses personnages sont incroyables… Je me rappelle d’un dessin de Voutch qui m’avait marqué. Il y a un mec à l’aéroport avec les gens qui attendent les passagers. Le mec a une pancarte où il y a écrit "Maman". Je trouve ça super mélancolique, super drôle… C’est absurde, je kiffe.

Vous pourriez faire une BD dans ce style?

Peut-être que ça me conviendrait plus de faire une BD dans ce style-là. Dans Le Chat aussi il y avait des trucs absurdes et poétiques. Le dessin du Blond est plus réaliste. Que ce soit dans l’art ou dans la BD, mes goûts vont se porter vers des choses un peu plus abstraites. Pour le Blond, comme l’histoire et le personnage existaient, je voulais le voir. On a eu des propositions de mangas ou de l’école belge, avec les gros nez, mais je n’ai pas voulu de ça. Je voulais quelque chose auquel on puisse s’identifier.

Voutch
Voutch © Voutch

Avez-vous reçu une proposition de BD dans le style anthropomorphique, où vous seriez dessiné en animal?

Non ! (rires), mais j’aurais bien aimé voir ça!

Vous auriez été quel animal?

Le Blond n’aurait pas été un lion, mais un guépard (rires). Et moi (rires), un animal un peu désordonné, croisé entre deux animaux.

Donc un ornithorynque?

Oui, ou un porc-épique (rires).

Le Blond fait un peu penser aux aventures de Donald, qui n’a jamais de chance, contrairement à son cousin Gontran.

C’est une bonne référence. Je connais Donald (il l’imite, puis rit).

Pierre Soulages
Pierre Soulages © PASCAL PAVANI / AFP

Vous appréciez beaucoup Pierre Soulages, dont vous possédez une oeuvre. Est-ce que la radicalité de son oeuvre, la manière dont il conçoit une toile, vous inspire dans l’écriture de vos sketchs et de la BD?

Oui, vraiment. C’est un de mes artistes préférés. J’ai beaucoup suivi son travail jusqu’au jour où j’ai pu m’en payer un. Je peux vous dire que ça a été une immense fierté. J’adore son côté radical. J’ai ça aussi avec l’écriture comique. Je m’acharne - tous les comiques ne partagent pas cette "école" - à affiner les blagues. Je vois ça comme une pyramide, un entonnoir à l’envers. Quand je pense à écrire des gags, je commence large puis j’affine pour pouvoir arriver à une épure, à quelque chose de simple.

Trouver la blague idéale prend combien de temps?

Il faut la jouer beaucoup. Je fais partie de ceux qui pensent que seul le public peut nous dire quelle est la blague idéale. On peut jouer des blagues des centaines de fois et ne pas trouver la blague idéale. Et la jouer une fois et attraper aussitôt le bon rythme.
"Je veux faire un spectacle au Maroc en dialecte darija"

Mis à part Soulages, quels sont les artistes que vous admirez?

Josef Albers. Là, puisque l’on parle de radicalité, c’est un hommage au carré. Je suis complètement fan. Il y a Tom Wesselmann aussi, surtout pour le Great American Nude, les corps de femmes épurés avec la cigarette aux lèvres… Ça, j’adore. Sinon, il y a une Française que j’aime beaucoup, Camille Henrot. Elle commence vraiment à exploser à New York. C’est une artiste importante. Et il y a quelqu’un dont le travail peut faire penser à la BD: Cyprien Gaillard. Il prend des tableaux de la Renaissance et il ajoute des Indiens. C’est pas mal du tout. On dirait de la BD. C’est ludique. Il a remporté le prix Marcel Duchamp. Il faut que je fasse encore pas mal de spectacles pour acheter tous les artistes que je vous ai cités.

Vous avez fait du stand-up, du cinéma, de la guitare dans vos spectacles, du mime, de la BD et même une chanson avec les Bratisla Boys, Its Kyz My Life. Quel est votre prochain défi?

Les Jeux Olympiques d’Hiver.

Ce n’est pas trop tard?

On est un peu tard, c’est vrai (rires). Je crois que le prochain défi sera sur le langage. J’ai fait l’anglais. Je vais peut-être m’attaquer à une autre langue après. Ça, ça m’intéresse. Je veux faire un spectacle au Maroc en dialecte darija. Mais pour l’instant, je fais l’anglais.

Le Blond, Gad Elmaleh (scénario) et Spoon (dessin), Michel Lafont, 48 pages, 10,95 euros. 2 tomes. 

Jérôme Lachasse